De son vrai nom Johan S. Lahger, ce suédois né en 1974 est à la fois connu dans le milieu de la musique et de l’occultisme. Créateur du groupe de Black Metal Arckanum et co-fondateur du label Carnal Records, Johan ‘Shamaatae’ Lahger est également l’auteur de plusieurs ouvrages sur le Chaos Gnosticisme / Satanisme anticosmique et les religions nordiques, sous les pseudonymes de Vexior et Ekortu. PanParadox: Pan Towards Chaos est paru aux éditions Ixaxaar Publishing en 2009 et Gullveigarbók en 2010, peu de temps après cette interview publiée sur le site de l’éditeur Fall of The Man.
Cette traduction a été réalisée par Absentia avec l’aimable autorisation de son auteur.
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Vexior a brûlé le Voile avec la Flamme Noire de la connaissance depuis plus de vingt ans. Son premier livre, PanParadox, l’a placé parmi les nouveaux auteurs les plus prometteurs de la scène occulte, mais pour ceux qui le suivaient d’avant il était déjà un auteur stimulant. Il présente un point de vue différent et personnel sur le Chaos-gnosticisme et l’Ancienne religion Nordique au travers de plusieurs essais, publiés dans Clavicula Nox ou son propre site web. Avec son deuxième livre, Gullveigarbók, il nous emmène plus loin dans les profondeurs ; dans la demeure des géants, et dans le Chaos acosmique, nous montrant la bonne direction, pour ceux qui osent apprendre les runes et la magie noire anti-cosmique.
Pourriez-vous nous dire comment vous avez commencé à barboter dans l’occultisme ? Qu’est-ce qui vous a poussé à suivre la voie du Chaos-gnosticisme ?
J’ai découvert la voie de la main gauche en début de mon adolescence, et comme j’ai grandi en écoutant du Heavy Metal, je pense que cela m’a influencé, me faisant aller à contre-courant et m’écarter de la foule. La mythologie et la religion m’ont donné une illumination que je n’avais jamais eu auparavant ; quelque chose de très spécial qui m’a fait spirituellement plonger du haut des falaises dans l’obscurité des profondeurs. Dans l’ombre, j’ai trouvé Pan – ou Pan m’a trouvé plus jeune – et je savais que, pour la première fois de ma vie que j’étais sur la bonne voie. Avec Pan comme guide, j’ai expérimenté toutes sortes de pratiques magiques différentes ; il me montra le Chaos et m’appris à communiquer avec, embrassa mon caractère rebelle et anarchique et me conduisit vers le Gnosticisme. Tout cela a engendré un lien précoce avec le Satanisme, ce qui me permit d’entrer en contact avec un important Ordre Satanique Anti-cosmique suédois dans lequel j’ai noué des liens très forts avec les membres ; une fraternité qui m’a initié au Satanisme Anti-cosmique et au Chaos-gnosticisme. J’étudie actuellement les sciences religieuses à l’université, avec comme but ultime, la recherche sur l’Ancienne religion Nordique.
Pouvez-vous nous expliquer votre démarche avec le Chaos-gnosticisme et comment il peut être lié à l’Ancienne religion Nordique ?
Il s’agit d’une question très importante et difficilement explicable en quelques mots. Mais mon approche personnelle du Chaos-gnosticisme a son fondement dans le caractère anti-cosmique de ma contemplation du cosmos, et de ce qui, je le crois, réside au-delà : le Chaos. Je tiens à dire que le Chaos-gnosticisme est le cœur de ma croyance, de même que le Satanisme Anti-cosmique. Le cosmos est gouverné et créé par un dieu bâtisseur qui peut être appelé « Démiurge » ; dans la vieille religion nordique, il fut appelé Óðinn et dans la religion chrétienne, il est appelé Dieu. D’un point de vue gnostique, ce Démiurge naquit du Chaos et refusa de rester avec lui ; il voulait tout gouverner, mais comme se détacher lui était évidemment impossible, il créa son propre monde où il pourrait être Créateur et Souverain. Et ce monde est ce que nous connaissons en tant que cosmos. Mais comme le Démiurge voulait être un Tyran, il créa les obstacles afin que Chaos et ses pouvoirs ne puissent pas entrer, et il asservit le cosmos par la création de l’ordre et de lois. Ces limitations sont appelées dimensions spatiales et temporelles, lois cosmiques, etc. ; les gens sont fascinés par ce qu’ils pensent être bon, mais elles sont d’un point de vue Gnostique, l’origine du « mal », cet ordre et ces lois étriquées nous empêchent d’être libres comme des esprits ; nous sommes liés par la chair, par les puissances divines et célestes, etc. Cela transforme le Démiurge, c’est-à-dire Dieu, en « Tyran Maléfique » qui nous force à l’adorer et vivre selon ses règles restrictives.
Ce qui fait du Chaos l’origine de tout, d’où les dieux « rebelles » proviennent- Les dieux tels que Lucifer et Lilith, sont équivalents aux anciens géants nordiques Loki et Gullveig, d’après de profondes recherches sur le sujet. Lucifer et Loki sont connus pour apporter la lumière, l’« illumination » dans une optique gnostique : la vraie connaissance divine, qui dans le Gnosticisme est simplement appelée « gnose ». Et cette « gnose » est bien sûr proscrite par le Démiurge, car cela révèle la vérité qui les détruira, lui et sa création.
Et cette « gnose » est appelée « les flammes de Múspellzheimr » dans l’ancienne mythologie Nordique, ou « eitr » qui signifie poison. Cet « eitr », comme expliqué dans les anciennes sagas nordiques, provient du puits souterrain gelé nommé « Hvergelmir » ; un puits dont l’eau provient du Chaos et qui s’insinue dans le cosmos, telle une puissance courroucée et antagoniste : c’est cette transformation – du Chaos anarchique au Cosmos ordonné – dans laquelle les eaux / puissances deviennent surnaturelles et déformées, parce qu’elles ne viennent pas du cosmos et ne peuvent s’adapter pleinement aux restrictions et aux lois cosmiques : d’où le terme de parapluie « anti-cosmique ».
Même si les anciens peuples Scandinaves étaient très innovants et religieux, ils ne savaient rien du « Chaos acosmique », ainsi ils ont essayé d’expliquer les pouvoirs divins et la cosmogonie du mieux qu’ils pouvaient. « Ginnungagap » était la chose la plus proche du Chaos qu’ils pouvaient comprendre. (Dans Gullveigarbók j’expliquerai les analogies entre « la brèche Ginnunga / Ginnungagap » et le Chaos.) Pour eux, Niflheimr et Múspellzheimr étaient le Chaos, et dans Gullveigarbók vous trouverez une étude approfondie de ce sujet.
Comment vos études de l’occulte affectent votre vie quotidienne ? Abordez-vous cela uniquement intellectuellement, ou au contraire l’appliquez-vous de façon quotidienne ?
Mon intérêt et ma fascination pour les Pouvoirs Sénestres et la Voie de la Main Gauche m’ont conduit très jeune à la pratique de la magie noire, que ma faim de loup intensifia, cela se traduisant par une invocation et une pratique des puissances du Chaos plus profonde. Le temps passant, les Flammes de Múspellzheimr ont renforcé et éclairé mon esprit, et les Ténèbres de Niflheimr ont transformé et en partie libéré mon esprit. Au travers de mes recherches, les Flammes Noires du Chaos ont réveillé ma conscience spirituelle, qui à son tour a fait de moi un homme de foi. Et comme j’ai adopté l’Ancienne religion Nordique, mes traditions religieuses sont très importantes pour moi et façonnent de nombreux de ma vie quotidienne. Je suis un passionné et un adorateur des Forces Thurses, je l’appelle la Tradition Thursatru (Þursatrú Sidr).
Mes études sont ma façon de comprendre les coutumes de nos ancêtres, et les aspects mythologiques des Anciennes religions détiennent les clés du mystère Thurse irrésolu. Et pour satisfaire la faim de ma flamme spirituelle je m’intéresse à tout, des livres aux évocations, pour éclaircir ma compréhension du Chaos. Tous mes écrits sont une synthèse de mes études, découvertes et interprétations, et les grimoires sont mon approche pratique.
Quelle est votre opinion à propos des loges et tout autre type de groupes ? Il est généralement admis qu’à un moment donné, pour le développement magique de chacun, il est nécessaire de travailler en groupe, au lieu de seul. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?
Si vous parvenez à réunir dans un groupe des personnes dévouées, qui travaillent effectivement comme un seul corps dans la même tradition, alors je crois que c’est une très bonne chose. Mais comme j’en ai moi-même fait l’expérience, c’est une tâche très difficile. Le Temple Of The Black Light est le seul « ordre magique » qui y parvient véritablement, parmi tous les « ordres magiques » auxquels j’ai pris part.
Quels auteurs vous ont le plus influencé ? Et que pensez-vous du travail d’autres auteurs, comme Thomas Karlsson, qui explorent aussi le côté sombre de l’Ancienne mythologie Nordique et ses traditions ?
L’auteur suédois Viktor Rydberg a vraiment été ma plus grande influence en tant qu’auteur ; non seulement parce qu’il a fait une recherche fantastique sur les Anciennes religions et mythologies Nordiques, mais aussi parce qu’il était un véritable rebelle en son temps, ce qui transpiré au travers de ses écrits. Toutes ses théories n’étaient pas exactes, mais il a osé mettre en lumière les pouvoirs sénestres de l’Ancienne religion, qui à ce moment-là furent déniés et plutôt blâmés par d’autres auteurs et professeurs respectés concernant l’intrusion de la Chrétienté en Scandinavie au Moyen-Age.
Les autres chercheurs/auteurs, étudiant les Anciens Nordiques, qui m’ont inspiré sont Christian Bang, Sophus Bugge, Sigurd Agrell, Otto von Friesen, Emanuel Linderholm, Ivar Lindquist, M.N. Petersen, Dag Strömbäck, Britt-Mari Näsström, Catharina Raudvere, et Stephen Flowers pour en mentionner quelques-uns. Je pense aussi que Thomas Karlsson est un bon auteur, je possède ses livres, mais le problème avec la plupart des auteurs et des chercheurs actuels sur les Anciennes mythologie et religion Nordiques, est qu’ils s’ancrent trop dans « l’approche académique typique ».
Votre essai Odinists, Germanic Neopaganists, and Heathenists ! a fait beaucoup de bruit et a provoqué toutes sortes de réactions. Pourquoi vous pensez que les gens sont si réactionnaires quand il s’agit d’accepter, ou même de discuter de perspectives différentes sur l’Ancienne religion Nordique, ou de ses similitudes avec d’autres religions antiques ? Avez-vous intentionnellement essayé de provoquer les gens, ou vous ne vous attendiez pas à cela ?
Peut-être que je voulais provoquer, mais mon intention première était de planter une graine dans l’esprit stagnant des « païens ». Tout le problème est qu’il n’y a eu qu’une seule façon d’interpréter les Eddas et l’Ancienne mythologie Nordique ; les ǽsir/dieux ont été tellement au centre de l’attention que les gens pensent sérieusement : « Pourquoi quelqu’un voudrait-il adorer les géants, ne sont-ils pas juste lents et stupides ? » Voici la réponse : « Non, c’est vous qui êtes est lents et stupides ; vous êtes trop paresseux pour réellement lire ce que disent les sagas. »
Je crois que les gens veulent tellement que les Anciennes mythologie et religion Nordiques soient originales et uniques qu’ils ont beaucoup de difficulté à en accepter les influences et les connexions dans les sagas. L’Ancienne mythologie Nordique est originale et a son propre caractère, mais cela ne signifie pas qu’il n’y avait pas d’influences externes. Les Anciens Nordiques étaient des penseurs éclectiques et c’est évident lorsque vous lisez les Anciennes sagas. Et un millénaire de migration vers le nord, provenant des régions du sud et de l’est de l’Europe et du monde, donne du crédit à l’existence d’un échange culturel et d’influences.
Que peut-on attendre de Gullveigarbók ? Considérez-vous que c’est un livre pour tout le monde, ou si vous pensez qu’il peut être difficile à comprendre pour ceux qui n’ont jamais vraiment versé dans l’Ancienne religion Nordique ?
Je dirais que Gullveigarbók est d’abord une étude importante sur les mondes souterrains de l’Ancienne mythologie Nordique. J’ai beaucoup étudié les géants et leurs traits et pouvoirs, et bien sûr mon attention c’est principalement tournée vers la géante Gullveig – souveraine de Jarnvid, la Forêt de Fer. C’est plus une étude approfondie des pouvoirs sinistres thurses dans les Anciennes mythologie et religion Nordiques qu’un grimoire traitant d’Ancienne magie noire Nordique. Même s’il y a dans Gullveigarbók une partie que j’appelle « Fjølkyngi » qui contient « les aspects ésotériques et pratiques de mes propres travaux avec la sorcellerie dans la lignée de ce qu’on appelle la Tradition Thursatru – Þursatrú Sidr – et qui divulgue une petite partie de mes travaux magiques avec Gullveig ». Si les gens s’attendent à un grimoire, ils devront attendre l’autre livre sur lequel je travaille toujours, appelé URAM – qui ne traite que d’Ancienne magie noire Nordique (vous pouvez en savoir plus sur URAM sur ma page Web).
Je crois que Gullveigarbók est une lecture difficile, mais j’ai essayé de l’écrire de façon à ce que quiconque puisse saisir l’essence de mes recherches. J’ai par exemple ajouté les références de toutes mes sources de sorte qu’il est facile pour les gens de chercher par eux-mêmes, et ainsi de suite.
Qu’est-ce qui vous a fait choisir Graphics Babalon pour illustrer « Gullveigarbók » ? Êtes-vous satisfait de son travail ?
C’est en fait Philippe de Debemur Morti Productions qui m’a initié à l’art de Helgorth, et j’ai su tout de suite qu’il était l’artiste qu’il me fallait. Eh oui, je suis très satisfait, il a fait un travail incroyable, comme je suis moi-même artiste je suis très pointilleux concernant l’art et Helgorth a fait des illustrations très semblables à mes propres visions.
Vous avez travaillé pendant plusieurs années sur le manuscrit, que ressentez-vous en regardant en arrière et en voyant où votre travail vous a amené ? Le processus d’écriture a-t-il changé votre vision du monde ?
Ce fut pour moi un voyage long et instructif. J’ai beaucoup évolué aux côtés de Gullveig et de Niflheimr de par mon travail avec leurs pouvoirs et l’étude de leur mythologie. Je ne savais pas qu’elle détenait les clefs de tant d’Anciens mystères Nordiques lorsqu’il y a dix ans j’ai commencé à lui prêter attention ; cela a été vraiment un voyage sublime, un voyage qui ne finira jamais pour moi, car je travaillerai avec Gullveig et lui serai toujours véritablement dévoué.
Vous êtes le premier (pour autant que je sache) à avoir associé Gullveig avec Lilith et Loki avec Lucifer. Comment vous est venu cette idée d’association, et pourquoi pensez- vous que personne ne s’est aperçu avant ?
La plupart des gens impliqués dans l’Ancienne mythologie Nordique sont Odinistes ou Païens, et ils se rendent aveugles en fixant la fausse lumière ; tout comme leur áss/idole Óðinn fit à Mímir, il plongea son regard, à moitié aveugle, dans les eaux empoisonnées des géants juste parce que sa volonté n’était que pure cupidité tyrannique.
Gullveig a été ignorée durant l’ère moderne, et n’a été considérée que comme une manifestation de Freyja. En fait personne n’a étudié ses traits mythologiques et sa chronique, et c’est tout simplement la raison pour laquelle personne ne sait vraiment rien de sa mythologie. Et si personne ne sait qui elle est, il n’y a personne pour l’honorer comme l’arch-matriarche de la race Thurse non plus. Il se passe la même chose avec Loki, mais les gens ont fait le lien avec les puissances sénestres des géants, au lieu de blasphémer en le nommant áss.
Cette illumination m’est venue assez tôt durant mes simples rituels à Loki et Hel ; j’ai commencé à avoir des « intuitions » concernant des théories mythologiques que je me suis empressé d’approfondir, et tout d’un coup j’ai ouvert les portes des ténèbres et tout est devenu clair. Il ne fait aucun doute dans mon esprit et dans mon âme que j’ai été guidé sur cette sinistre voie thurse par la flamme noire de Loki. Et dès l’instant où j’ai commencé à étudier les Eddas et compris toutes les épithètes et les analogies, j’ai constaté que tout avait été expliqué assez clairement concernant les géants et leurs chefs-dirigeants. Cela m’a sans doute pris trois à quatre ans pour avoir une compréhension globale des allégories complexes de la généalogie de Gullveig et Loki (et leurs enfants).