Adepte de la Magie et de la Sorcellerie depuis près de 30 ans, Athénos est l’auteur de l’ouvrage Charmes et Sortilèges Wicca (éditions Exclusif, 2005). Se réclamant de la tradition parfois décriée de la Wicca Luciférienne et héritier de plusieurs lignées sorcières, il est également l’auteur de nombreux articles disponibles en ligne, de vidéos et propose ses services magiques sur son site « Athénos Sorcier ». En janvier 2015, il a participé au reportage « Sorciers, agents du bien ou serviteurs du mal ? », réalisé par Benjamin Colmon dans le cadre de l’émission Dossier Paranormal, diffusée sur la chaîne Planète +.
Malgré son emploi du temps de ministre (de l’occulte), Athénos a accepté de répondre aux questions des rédacteurs de Rat Holes.
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Bonjour Athénos et merci d’avoir accepté cette entrevue. Comment se sont passés tes premiers pas dans la magie ? Quel a été ton parcours ?
Curieusement, la sorcellerie a toujours fait partie intégrante de ma vie. Bien que je vienne d’une famille très catholique (petite anecdote amusante : l’église où je fis ma petite communion s’appelle, d’après la légende, la colline de Diane ou la colline des sorciers), ma mère m’a toujours laissé lire et faire ce que je voulais, sans préjugé aucun.
Tout petit, j’ai donc déjà baigné dans les contes de fées et les légendes. Dans mes jeux de gosse, j’incarnais un sorcier ou un Dieu, ou le docteur Strange, ou Fatalis de Marvel qui possédait tous les pouvoirs ; j’imaginais posséder un grimoire et j’étais persuadé de voir des forces dans le mouvement des feuilles des arbres ; je me disais que si le vent soufflait sur mon visage s’était pour me murmurer des secrets, etc. J’ai toujours eu une imagination fertile.
C’est grâce à cette liberté que j’ai pu développer mes « dons » de voyance et de médiumnité, ma mère m’a d’ailleurs offert mon premier tarot et ouvrage sur les mancies quand j’avais 12 ans. À cette époque je me suis acheté mes premiers livres de magie (Papus, Husson et d’autres) je n’y comprenais pas grand-chose, mais je consacrais mes outils ou j’utilisais des rituels pour réussir mes examens ou encore pour donner une leçon a a prof de français… J’étais jeune et inconscient (rires). Mais je dois dire que mes rituels fonctionnaient (d’ailleurs pour me punir quand je n’obéissais pas, ma mère ne me privait pas de sortie, mais de mes livres de magies !).
C’est également à cet âge que j’ai rencontré deux femmes, deux sorcières très différentes, qui m’ont enseigné une partie de leurs connaissances, bien que je fus encore très jeune. Puis vinrent différentes rencontres dans divers domaines, au fur et à mesure que je m’y intéressais, voyance, lithothérapie, magnétisme, radionique, etc.
À l’âge de 15 ans, j’ai lu Les dames du lac de Marion zimmer Bradley et ce fut le choc. Je ne suis pas quelqu’un qui accepte, tel un mouton, les croyances imposées, je remets pas mal de choses en question, et c’était déjà le cas pour le catholicisme, mais ce livre, bien qu’étant un simple roman, me fit le même effet que l’appel pour un homme qui se tourne vers la prêtrise et se consacre a Dieu. Moi c’était la Déesse je le ressentais jusqu’au plus profond de mon âme, c’était quelques chose de puissant et d’intense que je n’avais jamais ressenti auparavant.
Je dois préciser que, peu importe le sujet auquel je m’intéresse, le hasard s’arrange toujours pour que je rencontre les personnes susceptibles de répondre à mes questions ; à cette époque, internet n’existait pas, mes outils de recherches étaient les livres, les rencontres et les correspondances que j’entretenais avec différents pratiquants.
Il existait alors une revue intitulée « science et magie ». C’est là que je rencontrai pour la première fois le mot « Wicca », dans une interview de la Wicca internationale. Tout naturellement je les ai contactés pour être initié. Mais ils refusèrent, car je n’étais pas majeur et les rituels se déroulaient en « tenue du ciel », donc nu !
Inutile de préciser qu’à mon 18e anniversaire ma lettre était prête à poster. J’ai côtoyé leur cénacle pendant un an (jusqu’au suicide de ses dirigeants), mais leurs enseignements n’étaient pas ce que j’attendais. On n’y apprenait quasiment rien et il y avait une pression psychologique certaine, lorsqu’on voulait passer des degrés, pour accomplir ce qu’ils appelaient l’« égrégore », mais qui n’était qu’une séance de baise (tu veux ton troisième degré ? ‘ben faut niquer ! Le quatrième ? ‘ben faut baiser, etc.).
Je me suis donc mis à la recherche d’un vrai coven de sorcellerie et j’ai atterri chez Abrasax ou j’ai reçu des enseignements et titres initiatiques divers de la part d’Anubis et Nahema-Nepthys, par le biais des trois cycles initiatiques qu’ils proposaient : l’œuvre au noir (l’Eglise belge de satan) l’œuvre au rouge (le coven cernunnos Wicca occidentale) et l’œuvre blanche (l’église gnostique Lucifer Christ (gnose, haute magie luciférienne et magie antique, tel que la redoutable magie d’Hécate).
J’y ai reçu un enseignement très riche, tant au niveau sorcier – comme je dormais sur place, j’ai eu la chance d’avoir accès à certaines choses auxquelles d’autres n’ont pas eu accès et Anubis était un redoutable sorcier, notamment en magie des campagnes et sorcellerie démoniaque – qu’au niveau scientifique, historique, archéologique, etc.
C’était de très grands initiés, maîtres dans plusieurs obédiences magiques, mais surtout de grand érudits dans divers domaines (de formations scientifique, ils possédaient de vastes connaissances en philosophie, théologie, démonologie, histoire et en psychologie). C’est vraiment grâce a eux que j’en suis là, et je leur serai reconnaissant toute ma vie.
A présent que les anciens de la Wicca luciférienne sont décédés (sauf Nahéma Nephtys qui, à la mort d’Anubis, a décidé d’arrêter l’enseignement sorcier pour se consacrer à ses recherches sur les phénomènes inexpliqués et à ses animaux). J’ai repris tout doucement le flambeau en France avec quelques initiés pour perpétuer la tradition. Mais nous sommes extrêmement sélectifs.
Tu es donc passé par plusieurs « écoles ». Pourrais-tu nous en dire plus sur la Wicca luciférienne, ses différentes branches ou traditions ?
Tout d’abord, il faux savoir que la Wicca occidentale luciférienne est ce que l’on pourrait qualifier de « traditionnel », tout comme le Gardnerisme et l’Alexandrisme. Or, les traditions sorcières initiatiques, sérieuses du début des années 50, se transforment actuellement en un foutoir new-age débilitant où se mêle le pire et (rarement) le meilleur, en accord notre société de consommation où la tendance est « moins j’en fais, mieux je me porte ».
L’initiation et l’apprentissage gradué des grands covens de l’époque (U.S.A et surtout Grande-Bretagne) a laissé sa place à des auberges espagnoles. Plus question de formations initiatiques par un Maître ou une Prêtresse… Et donc, la sorcellerie est-elle dangereuse ? Oh non, plus maintenant, voyons ! Au pays merveilleux de Walt Disney, de Sabrina ou de Charmed, tout le monde est beau, tout le monde est gentil. On apprend par soi-même, et on fait ses propres petits mélanges, sans se soucier des anciennes règles de magie – allez hop ! 5000 ans d’expérience des anciens à la poubelle ! L’expérience se jauge à présent au nombre de rituels (et surtout de conneries) téléchargés sur le net. On se réunit dans des forums idiots (bien que certains sortent néanmoins du lot), pour partager des stupidités et des connaissances erronées, et surtout des conseils de lecture qui ne demandent pas trop d’efforts, des rituels à base de pétales de roses, de bougies parfumées, en invoquant les gentilles petites fées et lutins des bois qui sont tous bienveillant et mignons comme tout… Les autres, les « Anciens » (souvent appelés les « Dinosaures »), à savoir ceux qui ont passé une partie de leurs existence à apprendre au sein d’un Coven, sont exclus.
Imaginons un type qui aurait lu tous les livres de Kung-fu et aurait vu tous les films de Bruce-Lee et décide de s’autoproclamer Maître dans cet art. En ce qui me concerne, je prendrai un réel plaisir à le voir en face d’un véritable Maitre dans l’Art du Kung-fu sur un tatami ! … Eh bien, il en est de même pour la magie. Comment vont réagir ces pseudo-pratiquants s’ils sont confrontés à un envoûtement des campagnes, des charges à dissolutions ou des envoûtements triangulaires fermés par un cadenas ? Ils pourront toujours tourbillonner autant qu’ils le veulent et allumer toutes les chandelles colorées du monde, cela ne leur servira à RIEN !
Si vous vous auto-proclamez Hougan (Prêtre Vaudou), Rosicrucien ou franc-maçon, sans avoir été intronisé dans ces obédiences, le jour ou vous voudrez réellement entrer dans ce type de loge, vous seriez accueillis avec un sourire poli, dans le meilleurs des cas, et invités à retourner à vos lectures et clavier d’ordinateur.
Mais pour en revenir à nos moutons (noirs bien sur), vous constaterez que nous sommes avant tout des sorciers et sorcières et que la sorcellerie et son apprentissage est extrêmement important pour nous.
A la différence des autres traditions Wiccanes, pour nous le dieu et la déesse porte le nom de Lucifer et Lilith, alors que d’autres les appellent Isis/ Osiris ou Zeus/Héra. Nous approfondissons également le côté obscur de la tradition. Nous n’avons pas peur d’étudier les magies sombres, dites de la voie gauche, non seulement d’un point de vue culturelle mais également pratique. Histoire de savoir d’où vient le vent et comment il souffle. Car combattre de telles magies si vous ne savez pas comme elles agissent ? Dans notre Tradition, nos références livresques penchent plus du côté de P. Husson que de S. Cunningham.
Historiquement, comment sont nées ces traditions dites « Lucifériennes » ?
C’est assez brumeux et personnes ne le sait vraiment. Certaines sources la rapprochent d’une tradition Wicca germanique des années 70, d’autres de Taliesin einion Vawr de la tradition Dynion Mwyn (de la Witchcraft de Tradition Galloise), datant également des années 70. Mais elle a été surtout popularisée par certains personnages dans les années 80.
Elle serait donc plutôt un syncrétisme des traditions Gardnérienne, Alexandrienne et de la Wicca italienne (strega), avec des pratiques magiques nordiques / celtiques. La grande Prêtresse Nahema-Nephtys et le Grand Maitre Anubis du coven Kernunnos ont également enrichit considérablement la rituélie, en lui donnant cette dimension sorcière particulièrement efficace.
Justement, certains personnages des années 80 ont beaucoup fait parler d’eux, notamment la Wicca Internationale de Jack Coutela et la Wicca Occidentale de Yull Rugga. Tu appartiens à ces deux courants ?
Oui et Non. J’ai connu les deux traditions et j’ai été initié au deux. Mais la Wicca Internationale avais un aspect trop démoniste à mon goût et elle était loin de la Wicca traditionnelle. La plupart de leurs rituels se basaient sur ceux de J. Boucher et une forme de magie cérémonielle Kabbalistique (comme les invocations des 72 génies), avec une dimension extrêmement sexuelle, comme pour le passage de certains degrés où il fallait pratiquer une union avec un complément, parfois avec le Grand Prêtre ou la Grande Prêtresse. Leurs rituels étaient incomplet, voire dangereux dans certaines déclinaisons de leurs magie pratique. Je les qualifierais donc plus de groupes Luciférien que Wiccans.
Le deuxième tradition était très proche de la Wicca Gardnerienne et Alexandrienne. Yull Rugga a énormément fait pour contacter les Wicca anglaise et germanique, pour lui donner son côté celtico-nordique et partager des informations sur les différentes traditions Wiccanes. On reprochait à ce monsieur d’avoir des idées politiques tranchées, pourtant après avoir discuté avec de nombreux initiés, il est clair qu’il ne mélangeait pas ses propres convictions politique avec son enseignement qui était davantage porté sur le respect de la nature, les méditation, l’astrologie et la magie naturelle.
La tradition que nous pratiquons est donc fortement influencée par celle de la Wicca occidentale, avec des influences Gardnerienne et Alexandrienne très fortes, de la magie des campagnes et des magies antiques (j’ai ajouté la dimension grecque), etc.
La Wicca occidentale Luciférienne comporte-t-elle des règles particulières ?
Oui la notion du secret est présente comme dans n’importe quel groupe traditionnel Wicca. Cette notion du secret porte bien évidement sur la discrétion des noms des membres participants, car certains n’on aucune envie que l’on sache qu’ils sont des sorciers, pour des raisons professionnelles ou familiales.
Chez nous, la notion de responsabilité est également importante ; chaque action a des conséquences, l’initié quels que soient ses choix doit assumer ses actes. Devenir cause et non effet. Chez nous les jérémiades, les profiteurs, les maniaco-dépressifs passent vite leur chemin. « Être cause et non effet » consiste à tenter de maîtriser sa vie et faire ce qu’il faut, avec tous les moyens à notre disposition, pour résoudre les problèmes de la vie au lieu de geindre passivement et devenir des assistés. Le respect de la nature est une dimension importante, ainsi que l’écologie. Pour les Wiccans, la Terre n’est pas qu’un symbole de la Déesse, elle en est l’une de ces manifestations et fait partie intégrante de son énergie. Il est donc parfaitement normal de faire attention à ce que nous faisons, encore une fois la responsabilité vient se greffer ici.
Sinon, si nous devions faire une liste résumant les choix personnels de notre tradition, je dirais :
– porter secours a ceux qui souffrent,
– Célébrer les Dieux, se mettre en accord avec les rythmes naturels des forces de la vie marqués par les phases de la lune, les quatre saisons, les quatre fêtes et les 7 grandes influences.
– respecter et protéger la nature.
– être cause et non effet.
– rendre ce que l’on nous donne.
– se connaitre sois même.
– connaitre et perfectionner son art sorcier et savoir équilibrer les deux.
– renseigner les gens sur notre tradition (sans prosélytisme).
Cette tradition comporte-t-elle un aspect religieux et/ou philosophique?
Bien sûr, la célébration des cycles des saisons appelées communément sabbats reste ancré dans notre tradition, tout comme la célébration des Esbats a chaque pleine Lune (qui sont également de puissantes protections sorcières). Chacun est libre d’aborder la Wicca comme il l’entend. Certains y voient une véritable recherche spirituelle, d’autres sont plus attirés par l’aspect philosophique (ou l’« art de vivre »). Et certains sont simplement attiré par la dimension « Sorcière » de la Wicca, et enfin d’autres la perçoivent de ces trois manières.
La Wicca n’est pas sectaire, elle laisse libre l’individu de choisir sa voie et la façon dont il la ressent.
Et toi-même, quelle serait ta religion ou ta spiritualité si tu devais la définir ?
En tant que sorcier je n’ai aucune croyance ni religion, j’utilise des technique ou des outils de différents systèmes de croyances pour parvenir à mes find. Donc un peu comme un spécialise en arts martiaux qui pratique plusieurs discipline, je peux passer du hoodoo à la Wicca, à la magie des campagne et même (rarement) par une certaine formes de satanisme etc. Mais si Je devais absolument définir ma croyance spirituelle, je dirais polythéiste tout simplement, car cela ne me dérange pas qu’il y ait plusieurs Dieux.
Puisque tu parles de satanisme, que peux-tu nous en dire et plus généralement, qu’en penses-tu ?
S’il est une Magie « maudite entre toutes », s’il est un Art Occulte qui horrifie ou fascine, c’est bien le Satanisme mais souvent par méconnaissance. Mettons tout de suite, et une fois pour toutes, les choses clairement au point : il existe deux Sortes de Satanisme, le vrai et le faux.
Le FAUX Satanisme, c’est celui qui n’est qu’un fatras sans racines authentiques de pseudo-rituels et de « recettes » relevant de la plus haute fantaisie, le tout amalgamé en une soi-disant « tradition » digne du Grand-Guignol dans les cas « bénins », ou confinant à l’horreur la plus abjecte et criminelle dans ses aspects extrêmes. En effet, le faux Satanisme n’est habituellement qu’une simple « toile de fond », un décor pour des escrocs ou des psychopathes qui se servent de la Magie comme prétexte pour voler leur monde ou satisfaire leurs plus sordides fantasmes sexuels – entre autres. La presse à sensation a souvent fait les gorges chaudes en écrivant n’importe quoi sur le Satanisme en particulier et la Sorcellerie en général, mais il ne s’agit, dans la plupart des cas, que de pure DÉSINFORMATION et des affabulations dues à des « journalistes » aussi mal informés des réalités magiques que désireux de réaliser un scoop sensationnel (et le plus scandaleux possible, bien entendu !). Ce Satanisme-là, cette monstrueuse contrefaçon de Magie, doit absolument être CONDAMNÉE et ERADIQUEE, mais c’est le travail de la Justice et non des VRAIS Mages.
Quant au Satanisme AUTHENTIQUE, qui n’a rien de commun avec ce qui précède, c’est lui seul qui a toute mon attention, car « l’autre » n’est que flatulence intellectuelle ou sordide.
Pour le commun des mortels, le satanisme, c’est le culte du Mal, sous toutes ses formes. Pour d’autres, il est prétexte à perversions ou, pour certains paumé de la vie, le moyen de changer de chapelle. Ceux-là sont en rébellion contre l’existence en général, contre les coups du sort et trouvent un excellent palliatif a pisser sur une croix en criant vive Satan sans se rendre compte du véritable symbole qui se trouve derrière. Or, le véritable satanisme n’est rien de tout cela. Qui est Satan ? Étymologiquement, il signifie en hébreu « l’Adversaire » (Hé Shin Teith Noun). Son nom figure dans l’Ancien Testament avec des attributs ambigus, dans la mesure où il siège à côté de Dieu, et semble s’occuper des hommes selon les directives de l’Éternel : une bien étrange complicité qui incite à se demander vraiment de qui Satan est-il vraiment l’adversaire… Serait-il le Contradicteur officiel de Dieu ? Ou celui qui s’occupe de répandre le mal sous les ordres de Yahweh ? Dans les deux cas, on s’étonne : Dieu a-t-il besoin d’être contredit ? Dieu serait-il à ce point hypocrite pour laisser à Satan la responsabilité des maux sur la Terre alors que c’est lui-même qui les a ordonnés ?… C’est vrai que le monothéisme ne peut souffrir d’un « autre Dieu » qui serait l’antithèse du premier, et dès lors, il faut nécessairement admettre que, dans cette optique, Satan n’est autre que Dieu qui se fait appeler autrement lorsqu’il répand le mal !… Dans le Nouveau Testament, Satan apparaît surtout comme le Tentateur : il est « Le Prince de ce Monde ». Il promet à Jésus le pouvoir sur les nations, ce qu’il possède depuis déjà longtemps et que Yahweh promettait à son peuple. C’est ainsi qu’à juste titre certains groupes gnostiques comme les cathares traitaient le Dieu de l’Ancien Testament de Dieu Mauvais, et l’appelaient Satan.
Le personnage est décidément ambigu : est-il une vêture de Dieu lorsqu’il lui prend envie de répandre le mal ? Ce démiurge n’est pas à une imposture près. Ou bien est-il celui qui lutte contre Yaldabaôth ( = le démiurge méchant et incapable, « créateur » de ce Monde et que les Gnostiques assimilent à Yahweh ou Jéhova), contre le mal qui sévit sur Terre, et qui ne rêve que d’abattre ce règne inique et meurtrier ? Mais dans ce dernier cas, le monothéisme s’écroule, car Satan implique nécessairement un autre Dieu, plus proche des hommes, plein de sollicitude face aux misères de l’existence.
C’est manifestement ce dernier point qui fit naître le Satanisme : Satan est le Dieu des miséreux, des contrefaits, des révoltés, des marginaux, des pécheurs. Il donne immédiatement à celui qui l’appelle, au contraire de l’« Autre » qui promet, mais qui se garde d’alléger les fardeaux de l’existence, qui tend même à les alourdir, reconnaissant comme plus méritants ceux qui acceptent son joug douloureux.
De mon point de vue, dans le satanisme, Satan est un dieu libérateur – de la religion comme de la politique et de tout ce qui avilit l’homme et le rend esclave des autres.
Prenons l’exemple de la femme, le satanisme (ainsi que la Wicca ) a libéré la femme, ne faisant qu’appliquer le fondement de toute Goétie, car toute Magie authentique respecte scrupuleusement la vie et la Femme qui est a l’origine même de l’existence de l’espèce humaine. Tandis que l’« Autre » condamne et maudit le sexe féminin, Satan le met sur un Autel. Cette libération de la femme provient du culte de la Déesse Mère, et nous pouvons également y voir une autre inspiration que celle de la Gnose ou du Manichéisme : le culte de Diane, qui n’a jamais cessé d’être célébré en secret.
Le Satanisme va se bâtir comme une religion de la réaction. En surface, il exprime une révolte contre les cultes officiels, contre ce Dieu vengeur et inique ; on va profaner, réciter des prières à l’envers, cracher sur le crucifix, souiller les lieux de culte, dérober le Saint Sacrement, et parodier les messes et les sacrements. Mais tout cela n’est que la surface d’un culte bien plus profond.
Intellectuellement, le concept de la Transgression permet à l’individu de se libérer des carcans moraux et collectifs, et l’on pourrait par là considérer le Satanisme comme une thérapie contre l’embrigadement et la Pensée Unique qui détruit systématiquement l’individualité au profit d’un système collectif et abrutissant. Cette transgression est alors une révolte contre tout ce qui n’est pas soi.
Qui est donc Satan pour ses « fidèles » ? Un Dieu, sans nul conteste. Un Dieu qui donne ici et maintenant ce que l’Homme désire… Et il convient ici de souligner « ce que l’Homme désire » ! Il n’y a donc aucune connotation morale là-dedans, car on peut désirer les pires comme les meilleures choses. Satan, une fois pour toutes, ne sélectionne pas ses dons et ne trie nullement ses interventions selon des critères de méchanceté, de stupre et de fornication ! Le Sorcier sataniste doit le voir comme dispensateur des bonheurs terrestres et prosaïques et non comme le champion des turpitudes humaines. Satan peut construire comme il peut détruire tout en garantissant la LIBERTÉ INDIVIDUELLE de se construire ou de se détruire. N’oublions jamais que SATAN EST LE BIEN ET LE MAL QUE L’ON SE FAIT.
Prenons encore un exemple : la messe noire. Bien au-delà des pitreries, elle est terriblement indispensable POUR UN SATANISTE. Il ne faut pas considérer le Rituel de la Messe Satanique uniquement comme une parodie ou une profanation, ce serait réduire l’Oratoire à une farce. La Messe satanique est véritablement Oratoire de la Magie de Satan ; il s’avère donc qu’elle est indispensable, tant dans sa forme, que dans sa fréquence. Il s’agit bien d’un rite de protection, où l’on se doit d’honorer les Entités que l’on utilise dans les Travaux magiques. Il est impensable de pratiquer une telle Magie et ses Maléfices, sans ces cérémonies évocatoires qui sont autant de preuves de la filiation sacrée de la Sorcellerie satanique. Les Messes Noires écartent grandement les chocs en retour, activent les Egrégores, permettent non seulement une fiabilité accrue dans les envoûtements ultérieurs, mais aussi une protection indispensable.
Mais encore une fois, c’est en se débarrassant des vêtures extrêmes qui manifestement sont démunies d’esprit sorcier authentique et qui n’ont d’autres motivations que celles de perversions profanes, que la Messe Noire devient un rite hautement magique. Si la sexualité, voire la hiérogamie, doit être présente dans toute Magie, il n’est pas besoin qu’elles dégénèrent en orgies sexuelles. Si le Sacrifice sanglant peut en faire partie, il n’est pas utile ni nécessaire non plus de perpétrer des crimes ou d’égorger enfants ni animaux. Ces actes criminels ont sans doute été perpétrés. Leur égrégore est là. L’acte symbolique suffit dès lors à l’activer et point n’est besoin de se lancer dans des actes aussi fanatiques que monstrueux.
De nos jours, les Messes Satanistes AUTHENTIQUES sont débarrassées de toute mise à mort RÉELLE de quoi que ce soit (on se sert de sang ou d’organes d’animaux tout simplement achetés en boucherie), et de toute pratique sexuelle, qu’elle soit collective ou individuelle. Ce genre de cérémonie est régi par un Rituel aussi précis qu’opposé aux orgies et crimes.
Pour le fanatique, Satan et ses Légions sont une aubaine pour assouvir ses fantasmes, car il ne sait pas que la principale valeur du Satanisme est la RESPONSABILITÉ de ses actes. En exigeant les pires abominations, ce même fanatique se détruira, noyé dans ses concupiscences et ses convoitises jamais apaisées. Satan l’y aidera, il le détruira, puisque le fanatique veut se détruire ! Le Mage indigne recevra de Satan les armes qui le détruiront, et Satan armera même son bras (ce que j’ai vu dans neuf cas sur dix, car la plupart n’ont pas compris cet enseignement de libération). À l’opposé, le Mage sincère recevra de Satan les armes qui lui permettront de vaincre l’adversité et la méchanceté, de lever tout obstacle à sa Quête et de se libérer a contrario de ce qui pourrait le tourmenter. Voilà aussi pourquoi Satan est BON… et donne aux méchants le meilleur moyen de se détruire et aux bons le meilleur moyen de se libérer de la méchanceté. Nous devons absolument ne pas perdre de vue, dans le Satanisme, une certaine idée de la JUSTICE.
Le Satanisme n’est d’ailleurs pas l’opposé de l’Amour. Les Satanistes qui prônent le mal sont des paranoïaques et ne valent pas mieux que certains « bons chrétiens », sinon que ces derniers font en cachette ce que les premiers font au grand jour ! Pour le Mage, le Satanisme peut très bien rompre avec la « malfaisance », à la condition de ne point considérer cette Tradition Magique comme une doctrine qui exalte l’ivresse du Pouvoir au bénéfice des ratés et des minables.
En Sorcellerie sataniste, on doit bien entendu œuvrer « pour la plus grande gloire de Satan » sans pour autant verser dans une idéologie discutable, voire criminelle ; les pires concupiscences chantées dans les Rites font voir à l’Initié ce qui reste en lui de ses « parties lourdes », en somme de ses défauts majeurs et le font réfléchir quant au travail qui lui reste encore à entreprendre sur sa propre personne pour arriver un jour (peut-être, si l’intéressé est persévérant) à ce qui devrait être son but final, être un VRAI MAGE C‘est cela la gnose noire, mais il y aurait encore tellement à dire que je vais m’arrêter la.
Du coup, pourrait-on qualifier la Wicca Occidentale Luciférienne de « Dark paganisme » ?
D’une certaine manière oui. Le dark paganisme explore les côtés sombres de notre être, ceux qui sont ignorés par le paganisme contemporain, voire par la spiritualité en général. Nous explorons les deux faces du miroir afin de recréer l’équilibre en nous. Cela n’implique pas une approche dualiste, mais bel et bien de se confronter à une même chose. Notre culture judéo-chrétienne a eu trop tendance à classifier en « ténèbres et lumières » ; « bien et mal », « positif et négatif »… Pour nous, il n’existe qu’une énergie et une profonde recherche intérieure, une exploration de ces ténèbres, car les textes ne disent-il pas que la lumière surgit des ténèbres, mais que les ténèbres ne l’ont point comprise ?
Nous nous intéressons également à l’imagerie « gothique », la poésie, le look, l’architecture et la musique sombres. Non que nous soyons morbides ou fascinés par la mort. Mais parce que nous sommes des explorateurs des ténèbres, ne tremblant pas devant la faucheuse, mais la regardant bien en face. Certains se cachent par peur du noir, nous l’affrontons et dansons avec lui.
Nous célébrons également des divinités dites infernales (dans le sens grec du terme) comme Hécate, Lilith, Hadès, Loki, etc. Mais surtout Hécate, car au troisième niveau de notre tradition, nous intégrons une part de magie antique ou la magie sacrée d’Hécate (goétie et théurgie) et nous la pratiquons de la manière la plus proche qui soit possible des rites gréco-romains.
Pour nous la nature est à la fois amour et cruauté, et il faut vivre avec (la vie en elle même se charge de nous le faire comprendre). On ne peut pas l’apprivoiser, seulement adopter et intégrer ses concepts. Nous aimons la lumière du soleil, regarder les animaux sauvages et libres dans les bois ou nous relaxer sous un chêne pour recentrer nos énergies, mais nous apprécions particulièrement la nuit pour nous ressourcer et nous enivrer du parfum de l’obscurité sous la clarté de la lune.
Tout a besoin d’un équilibre. Éviter de parcourir les sentiers ténébreux de la nature transforme bien souvent les adeptes en utopistes béni-oui-oui, tout est beau tout est merveilleux, la vie n’est que bonheur et joie… Or, ce n’est pas le cas. Le côté sombre de notre tradition rappelle à ces initiés que la nature est belle, mais également dangereuse, que tout chose comporte un côté sombre, mais que ces ténèbres ne sont pas forcément mauvaises et malsaines – seulement pour des déséquilibrés en mal de sensations fortes. Pour nous l’obscurité peut être belle, si l’on ose pénétrer dans l’ombre pour l’accepter.
La Wicca occidentale Luciférienne est considérée souvent comme « La Tradition Pestiférée », celle dont on ne veut pas parler, celle qui serait un « non-sens ». On nous traite de moutons noirs, mais nous sommes plutôt des loups libres et hurlant à la Lune et si les petits moutons ont peur de se perdre dans l’obscurité, nous au contraire nous y voyons très bien.
Premièrement, notre tradition refuse l’apprentissage « fast-food » que préconisent certains, ce qui peut déranger. Ensuite, la Wicca Luciférienne, n’est pas appréciée par les « Wiccans petites fleurs » (les Fluffy Bunny) qui la confondent avec le Satanisme. En un sens, ces personnes sont victimes de leur frustration religieuse et des endoctrinements qu’elles ont subis dans leur passé. Par ailleurs, cette position (outre leur incompétence mythologique) est dictée par le désir d’offrir au public et aux médias une image honorable et adaptée à notre société. En cela, la Wicca Luciférienne dérange et c’est tant mieux. Elle continuera de poursuivre son enseignement qui est demeuré inchangé depuis plus d’une quarantaine d’années.
Aujourd’hui, quels sont tes auteurs ou figures de références ?
Comme je l’ai dit : Nahéma Nephtys et Anubis demeurent LA référence. Leurs ouvrages de démonologie sont des lectures incontournables, que tout mage devrait posséder selon moi, ainsi que, dans un autre registre : Un certain Jésus-Christ ou Le Dieu confisqué de Nahema-Nephthys (1995).
Après, par nostalgie, je dirais l’excellent livre de Paul Husson sur la sorcellerie (Guide Pratique de la Sorcellerie), les écrits de Jean-Luc Caradeau, etc. En ce moment, je lis et j’apprécie beaucoup les livres d’Arnaud Thuly qui remettent bien certaines petites choses en place aux doux rêveurs de l’occulte. Je suis également très friand de textes sur la magie antique comme l’excellent Sorciers grecs d’André Bernand ou encore Les morts malfaisants. Larves, lémures, etc. d’Émile Jobbé-Duval, et bien d’autres.
Et finalement, que représente Lucifer pour toi ?
Comme dans d’autres Covens, la cosmogonie de la Wicca Luciférienne, passe par l’image du Dieu et de la Déesse, entité double, indivisible, unique et innombrable. Dans notre tradition le nom courant de ces deux grandes divinités est Lilith et Lucifer, tout comme d’autres mouvements les appelleraient : Isis/Osiris ou Freya/Frey, etc., quand ils sont réunis en une seule polarité.
Les Déités peuvent se décliner sous beaucoup d’avatars différents comme Habundia et Cernunnos, Odin et Freya, Hécate, Lug, etc. Les Dieux de la Wicca Luciférienne sont plus germano-celtes (avec une petite pointe d’hellénisme) que démoniaques.
Beaucoup ne savent apparemment pas (ou font semblant de ne pas savoir) que Lucifer est davantage un Dieu romain (Vesper, l’étoile du matin) qu’un démon chrétien. Le Nom de Phosporos chez les Grecs ou Lucifer chez les Romains est généralement accolé, dans les rites des mystères antiques, aux divinités porte-flamme qui éclairent les ténèbres et qui apportent l’initiation (exemple : Hécate Phosphoros « Hécate qui porte la lumière »). Il s’agit donc bien d’une divinité purificatrice, initiatrice et porteuse de connaissance.
Certes la religion chrétienne en a fait un démon révolté contre Dieu, grand justicier des enfers, maître de tous les esprits rebelles. Mais il est bien surprenant de voir le nombre de Dieux et Déesses travestis par cette religion (Diane, Hécate, Hadès, Ishtar…).
On assiste également dans ces groupes Wicca à une hypocrisie plus qu’évidente, lorsqu’on sait que la plupart invoque les gardiens (ou puissants) des quatre directions élémentaires sous des noms angéliques provenant de la tradition juive (Michael, Gabriel, etc.) qui, selon nous, n’ont rien à faire dans une tradition païenne. N’oublions pas non plus que les rituels de Gardner (fondateur de la Wicca) étaient à base de Tétragramaton, Ararita, croix cabalistique et autres emprunts aux Clefs de Salomon. Heureusement que Doreen Valiente les a nettoyés de tout ce fatras hébreu.
Je pense avoir encore chez moi une photo de Maxine Morris (Reine des Sorcières, sic !) dans un cercle magique entouré de noms hébreux et kabalistiques. Quant à Alex Sander, ses implications dans la Kabbale sont plus que voyants.
Comme ultime référence, je citerai l’Évangile des sorcières de Charles Léland qui fait référence au mythe de la Déesse chez les adeptes de la Wicca et qui commence comme ceci : « Diane aimait profondément son frère Lucifer, le Dieu du Soleil, le Dieu de la Lumière (Splendor) qui était si fier de sa beauté… ». Et après cela on va encore nous dire que la tradition Wicca Luciférienne est un non-sens utilisant des rituels de magie noire démoniaques… Quant au Diable ou Satan nous n’adhérons pas à de telles entités qui nous sont complètement étrangères. Toutefois nous croyons au Daïmon dans sa version grecque du terme ; les daïmons sont tous simplement des intermédiaires entre les Dieux et les Hommes. Et non des démons dans le sens sataniste.
Nous ne pratiquons ni messes noires ni messes sataniques pour blasphémer les croyances monothéistes, car pour cela encore faudrait-il adhérer à ces croyances. Un sorcier païen n’aime pas perdre son temps.
Cependant nous ne critiquons nullement ceux qui se réclament du satanisme, pour nous chacun est libre de faire ce qu’il veut, du moment qu’il respecte la nature, les animaux et l’être humain. Si certains se reconnaissent dans cette tradition, ça les regarde et s’ils sy sentent bien, tant mieux. Le but de toutes les croyances est de se sentir bien dans la voie que l’on a choisie.
Merci Athénos !
Entrevue réalisée par Melmothia, 2015.
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Le blog d’Athénos : Le sanctuaire.