Par Rabbi Isaac ben Jacob ha-Kohen
« Silence ! Tel est le décret ! »
Introduction du traducteur
Ce traité a été écrit dans la première moitié du 13e siècle et semble, avec les écrits du frère de R. Isaac, avoir exercé une grande influence sur Moïse de Léon, l’auteur présumé du Zohar.
Isaac ben Jacob ha-Kohen est né à Soria dans la première partie du 13e siècle, dans l’Espagne musulmane. Il a étudié la Kabbale à Ségovie sous l’influence de hassidim ashkénazes, puis dans le sud de la France avec son frère. Il est entré en contact avec les derniers membres du cercle de kabbalistes à l’origine du Sepher ha-Iyyun (le Livre des Spéculations) et prétendit avoir reçu certains de ses enseignements sous forme de visions accordées par l’ange Métatron.
Le système kabbalistique de Jacob est ainsi teinté de mystères visionnaires dissimulés par des jeux numériques et combinatoires (guematria et tserouf).
Selon G. Scholem, Isaac ben Jacob fut, avec son frère l’un des piliers du courant gnostique au sein de la Kabbale – il les surnommera ainsi les « gnostiques de Castille », ce que réfute Mopsik [1].
Son principal disciple fut Moïse ben Salomon ben Siméon de Burgos. Isaac ben Jacob précède directement le mouvement des kabbalistes zohariques.
Il mourut, à Bézier, vers 1270-1280.
Les œuvres principales de Jacob sont un commentaire sur la forme des lettres de l’alphabet (Madda’ei ha-Yahadut, Provence, 1270) ; un commentaire aujourd’hui perdu sur le Sepher Yetsirah ; un commentaire sur la Vision du Char d’Ezéchiel ; le Sepher ha-Orah (Livre des Illuminations) contenant les révélations données par l’ange Métatron, des explications des Noms Divins et de l’alphabet ; et enfin le Traité de l’Emanation Gauche dont nous donnons aujourd’hui la traduction française.
Les textes qui ont servi de base pour cette présente traduction sont : G. Scholem, Mada’ei ha-Yahadut (1927) et M. Idel et J. Dan, Early Kabbalah.
Le Traité développe le système des Sephiroth du monde maléfique, les 10 répliques antithétiques des 10 Sephiroth de Sainteté de la Kabbale, auxquelles sont associées des hiérarchies démoniaques constituant ainsi une angélologie négative. Suivant Scholem et Mopsik, ce Traité est original, car il est le premier à développer une théorie séphirotique d’une émanation du « côté gauche » de la Divinité dont procéderaient les forces maléfiques agissant dans la Création. Cependant, il ne peut être réduit à ces éléments, car il décrit également certains aspects de la Kabbale pratique – au travers des maîtres du Nom et de la manière d’acquérir les dons de prophétie.
Spartakus FreeMann
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Traité de l’Émanation Gauche
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1.
J’ai pris note de ton désir irrépressible de gravir l’échelle de la sagesse, d’en percer les énigmes et de maîtriser les ingénieuses méthodes des Anciens Sages, les maîtres des lettres [2], ceux qui ont exposé les secrets de l’âme. Et ayant remarqué que le Seigneur Dieu, béni soit-Il, t’a gratifié d’un cœur attentif et intelligent, j’ai décidé avec beaucoup de tendresse de répondre à tes questions et de satisfaire à tes demandes.
Je vais le faire, bien que cette voie ne soit pas, ainsi que tu en es parfaitement conscient, à suivre sauf pour « deux, trois olives, au haut de la cime » (Esaïe, 17, 6) – qui sont les anciens sages, les lettrés d’Espagne qui ont fouillé le palais de Samaël (SMAL — סמאל). Il s’agit d’une voie longue et profonde et elle échappe à tous les sages qui ne veulent pas descendre dans les profondeurs de la sagesse de l’émanation occulte, « l’abysse du bien et l’abysse du mal » (Sepher Yetsirah, 1, 4). Elle n’est connue que de ces rares individus solitaires, « les réchappés que l’Éternel appellera » (Joël, 2, 32). En outre, du mieux de mes capacités, mes pas ne s’écarteront pas de la voie [3] afin de répondre à tes souhaits et étancher ta soif. Que Son Amour me soit en aide dans Sa Miséricorde et Sa tendre Affection.
2.
Tu as déjà travaillé sur les racines de l’émanation des degrés, du sommet de la Couronne Suprême (kether ‘elyon) jusqu’au secret de la Bénédiction (sod ha-berakha) de la vie éternelle [4]. Il est à présent temps d’être éveillé au secret de l’émanation rayonnant à partir d’eux, une émanation des degrés comme l’image des corps l’est aux âmes, avec des noms donnés par les anciens Sages et selon le livre de Rabbi Hamaï [5]. Je n’ai pas vu ce livre en Provence, si ce n’est des copies appartenant à trois pieux. L’une était à Narbonne chez un vieux rabbi. Ce saint et vénérable rabbi m’a certifié qu’Élie, que sa mémoire soit bénie, lui apparaissait à chaque Yom Kippour [6]. Les deux autres copies sont à Arles, une grande ville.
La première émanation – telle l’image d’une entité spirituelle – correspond à l’émanation (atziluth) première [7]. Son nom est Sabi’el (SBYAL — סביאל) et nous l’appelons le prince des Hauteurs Exaltées.
La seconde émanation est celle de la Sagesse. Son nom est Peli’i’iel (PLYAL — פליאל). Il est le prince des merveilles (pela’oth) de la Sagesse. À son sujet, nous avons reçu une tradition selon laquelle le nom par lequel son émanation est révélée est Zequni’el (ZQVNYAL — זקוניאל). Son nom est encore Sagasgel (SGSGAL — סגסגאל) dont la valeur numérique équivaut à « tu honoreras la face d’un vieil homme » (Lévitique, 19, 32) [8]. Il est la plantation de la Sagesse, « une plantation de l’Éternel, pour servir à sa gloire » (Esaïe, 61, 3). Son signe est « et comme un jardin fait pousser (tesagsegi) ses semences » (Esaïe, 61, 11). Le Samekh (ס) et le Sin (ש) sont interchangeables, car ils dérivent du même son.
La troisième est le prince qui rayonne de l’émanation du Repentir dont les trésors cachés sont offerts à tous ceux qui connaissent l’Intelligence et ont une grande crainte (yir’ab). Son nom est Yerui’el (YRVAYAL — ירואיאל).
Les Écritures mentionnent ces trois émanations dans un verset : « tu te lèveras devant les cheveux blancs, et tu honoreras la personne du vieillard » (Lévitique, 19, 32). Ces trois-là sont considérées comme les corps des âmes, chacune reliée aux autres comme une flamme à une braise, intériorité à intériorité.
Les sept autres ont également sept degrés qui rayonnent comme les corps des âmes, et elles sont également spirituelles. Le nom de la première est Meyeriron (MYRYRVN — מירירון), prince de l’Affection et il est associé à l’eau.
La seconde est Geviriron (GBYRYRVN — גבירירון), il est le prince de la Force (Guebourah) impressionnante et invincible.
Le nom de la troisième est Yedideron (YDYDRYRVN — ידידרירון), il est le prince de la Miséricorde, l’aimé (yedid) de Dieu.
Le nom de la quatrième est Satriron (SThRYRVN — סתרירון), il est le prince du Fondement du monde qui est enclos et occulté (nitsar) dans le Pilier du Milieu et est appelé le lieu secret du Très Haut (seter ‘elyon). Ainsi « celui qui demeure sous l’abri du Très Haut Repose à l’ombre du Tout Puissant » (Psaumes, 91, 1). Cela devrait suffire à ceux qui sont éclairés.
Le nom de la cinquième est Natsi’hiriron (NTs’HYRYRVN — נצחירירון), il est le prince du Triomphe et de la Victoire (netsach) d’Israël.
Le nom de la sixième est Hodiriron (‘HVDYRYRVN — חודירירון), il est le prince rayonnant de l’émanation de la Majesté (hod).
Le nom de la septième est Seforiron (ShPYRYRVN — שפירירון), il est le prince rayonnant de la dernière (sof) émanation de tous les degrés.
Celles-ci sont les noms des Anciennes Puissances. Nous avons reçu l’enseignement que les trois premières ont leur nom finissant en « el » (אל) et les autres en « ron » (רון), car les trois premières tirent leur puissance des forces émanant de la puissance de la grande et puissante Volonté, dominant sur tout : la Cause de toutes les causes et la Raison de toutes les raisons ; tandis que les sept sont comme des chandelles allumées, chacune allumant sa propre bougie (nero) à partir des sept bougies intérieures. Elles correspondent à l’image des âmes intérieures et des corps spirituels.
3.
À ce sujet nous avons encore reçu ceci : l’attribut du Royaume possède encore trois autres courants. Ce sont comme trois piliers lui [9] faisant face, accomplissant ses œuvres et montant la garde autour et près du Trône, dans la crainte, tremblant et en silence, d’une émanation à l’autre jusqu’au Bien-aimé de Dieu qui l’embrase et l’embrasse au moyen du Fondement du Monde. À ce point, les princes de l’Affection et de la Force La reçoivent dans une grande et glorieuse crainte et tremblants et en un silence profond. Alors l’Affection et la force – qui sont des émanations intérieures – La reçoivent et tournoient tels d’impétueux torrents d’eau et « des ardeurs de feu » (Cantique des cantiques, 8, 6). Elle demeure occultée et enclose au sein de toutes les émanations jusqu’à ce qu’approche le Prince de l’Intelligence accompagné de ses troupes. Ils La reçoivent avec une peur incompréhensible, avec crainte et silence, jusqu’à ce qu’ils approchent du trône qui est près du Trône de Gloire qui est associé au Repentir. De là une multitude de ses guerriers apparaissent. Celui qui les gouverne est le Prince de la Sagesse. Ils s’agenouillent alors aux pieds du Trône, tremblants de terreur et ébranlés au sein de l’Antique Sagesse qui l’accepte Elle par la proclamation : « viens ma bien-aimée » (Cantique des cantiques, 7, 7). Il joue avec Elle comme un père avec sa fille unique parmi de nombreux fils. Les Hauteurs Exaltées jaillissent de Sa bénédiction sur Elle par le Père (la Sagesse), car il est impossible pour aucune émanation de comprendre ou de percevoir des visions spirituelles ou des perceptions supérieures si ce n’est par la méditation de la Sagesse et de l’Intelligence.
Après que la Bénédiction ait été acceptée, et après que les Délices se soient courbés et prosternés devant le Trône de Gloire sublime et puissant, le Trône du Royaume, grâce à ces princes uniques, tourbillonne et tournoie involutivement émanation après émanation vers son origine qui repose entre les deux chérubins que sont Ses bras [10].
Ce grand épanchement – une joie pour les âmes intérieures et un délice pour les corps spirituels – était une réalité lorsque le pays d’Israël était habité et que le peuple saint y résidait. Le Temple terrestre est reflété par le Temple céleste et le Grand-Prêtre est reflété par le Grand-Prêtre de Sainteté et de Pureté, chacun tremblant dans la crainte, sachant parfaitement comment diriger la juste méditation vers les Émanations extérieures et intérieures, sachant comment user du secret des Saints Seraphim et éveiller le Saint Esprit [11] par la beauté de la poésie et de la musique. Les chantres du Temple, chacun selon sa position et sa perception, se concentrent par leurs doigts caressant les cordes de la harpe et par les tons qui éveillent la chanson et le chant. Ils dirigent leur cœur vers l’Omniprésent ; alors la Bénédiction est donnée et la Divine Présence réside en eux, chacun selon son adoration et sa perception. Alors la Jérusalem et le Temple terrestres exhaussent tous les désirs et sont un délice pour les nations, et la peur et la trépidation pour Ses habitants emplissent ceux qui La voient ou L’écoutent [12]. Ainsi qu’il est écrit : « Tous les peuples verront que tu es appelé du nom de l’Eternel, et ils te craindront » (Deutéronome, 28, 10). Heureux l’œil qui contemple cela !
4.
Revenons maintenant à notre point de départ, c’est-à-dire les trois princes qui sont les trois piliers du Trône qui, à son tour, est exalté par les quatre campements de la Présence Divine. Le premier est appelé Malki’el (MLKYAL — מלכיאל), car il dérive de l’attribut du Royaume (Malkhuth). Le nom du second est ‘Aturi’el (AyTVRYAL — עטוריאל), car il dérive du grand Diadème (‘atara), telle l’image de l’or qui est associée à l’attribut de la Sévérité. Le nom du troisième est Nishri’el (NYShRYAL — נישריאל), car il dérive du nom de l’Émanation qui est la colère et qui châtie ses enfants lorsqu’ils échouent à se conduire correctement dans la voie devant leur Père Céleste. Mais lorsqu’ils s’élèvent sur l’échelle vers le mérite par la repentance, alors ils ont la paix et la bienveillance divine, et Elle a de la miséricorde pour ses enfants « pareil à l’aigle (nesher) qui éveille sa couvée » (Deutéronome, 32, 11). Et alors la « mère des enfants est joyeuse, s’allongeant sur son bien-aimé » [13].
Ces trois sont en fait trois piliers émanés du pouvoir de l’attribut du Royaume, chacun étant une émanation selon son propre droit. Par conséquent, l’émanation est dérivée des treize branches issues d’une même racine, car toute unité dépend d’elle. C’est pourquoi le verset « Dieu est Un » (Deutéronome, 6, 4) a la même valeur numérique [14].
Une autre indication nous est donnée par Na’am’haron (NAyM’HRVN — נעמחרון) pour « la beauté du Diadème de la Royauté » (‘hen ‘ateret malkhuth) ; « Ron » étant l’image du patriarche Jacob, la paix soit sur lui, un homme simple, une forme inférieure reflétant la céleste. Il est relié aux cieux et à Jacob. Une indication de ceci nous est donnée par « chantez (ranu), ô Cieux » (Esaïe, 44, 23) et « chantez (ranu) avec joie pour Jacob » (Jérémie, 31, 7). Ainsi l’union est complète [15].
Les treize sont des émanations totalement spirituelles et elles sont actives, et les treize attributs divins mentionnés dans « et l’Éternel passa devant lui, et s’écria : L’Éternel, l’Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité » (Exode, 34, 6) sont activés par elles. Les activantes sont des causes, les activées sont des effets. Elles sont sans limitation et il ne peut y avoir de perception de leur réelle origine, et nul ne peut connaître avec certitude leur fin. Seul le Seigneur de tout ce qui est caché et occulté à Ses créatures, le peut. Et même la pensée qui ne peut jamais être appréhendée est incapable de percevoir Sa réalité ultime…
Ce sont les trois émanations enceintes dans la Couronne du Royaume, désignées et préparées pour le pardon des transgressions et de ceux qui les commettent, qui ne sont rien d’autre que des rebelles et des pécheurs. Ces trois émanations sont encloses dans un nom unique selon leurs fonctions. « Et voici le nom dont on l’appellera : L’Éternel notre justice » (Jérémie, 23, 6) : Na’am’haron – pardonner les transgressions, les rebellions et le péché (Nose’ ‘avon Mered ’Hata’ah) afin que la colère (‘haron af) de Dieu se détourne d’Israël et qu’Il pardonne et ait miséricorde pour ceux qui se détournent de leurs péchés…
5.
Nous allons maintenant traiter du système des armées de l’accusation qui résident dans les Cieux, celles qui furent créées et subitement annihilées. Lorsque j’étais dans la grande cité d’Arles, un maître de cette tradition m’a montré un très vieux livret. Son écriture était crue et différente de la nôtre. Il était transmis au nom d’un grand rabbi et gaon [16]. On y faisait référence sous le nom de Rabbi Masliah. Notre vénérable Gaon, Rabbi Pelathia, était de la cité sainte de Jérusalem et ce livret fut rapporté par un grand érudit et piétiste connu sous le nom de Rabbi Gershom de Damas. Il vint s’établir à Arles pour deux ans, et les gens là-bas racontaient des histoires à propos de sa grande sagesse et richesse. Il montra ce livret aux anciens sages de cette génération. J’ai copié à partir de celui-ci des choses, choses que les gens de cette génération pouvaient comprendre, car ils n’étaient pas aussi familiers avec ce type d’écriture que l’étaient les sages des générations passées qui avaient étudié directement avec ce pieux érudit.
Je retournai alors à Béziers, une ville de sages, où mon pieux frère de mémoire bénie était tombé malade. Je n’ai rien ajouté ni omis – pas même le moindre détail, si ce n’est le style – de ce que mon frère m’expliqua. Il y a parfois de petites différences, mais le sens en est toujours le même.
Je vais à présent décrire le système des princes et de leurs forces, du premier jusqu’au dernier. Ils furent tous créés à partir de la même Émanation s’écoulant de la puissance du Repentir. Cette Émanation agit comme un écran, séparant l’émanation de tous les degrés saints dans lesquels il n’y a aucune émanation étrangère. Chaque degré est spirituel, pur et raffiné et lumineux, empreint du pouvoir de la Volonté du Seigneur. Cet écran séparateur, émané du pouvoir du Repentir, fut originellement mis en place du fait que diverses émanations, certaines bonnes certaines mauvaises, certaines éternelles et certaines horriblement disgracieuses, furent émanées. Nul ne peut percer les secrets de ces mondes si ce n’est les degrés spirituels et les princes qui en émanent. Il existait déjà une tradition, possédée par les Anciens Sages et étudiée par mon frère de mémoire bénie, selon laquelle le nom du gouverneur de cette émanation est Masukhi’el (MSVKYAL — מסוכיאל) puisqu’il est un écran séparateur (masakh).
La première émanation qui fut issue de lui contenait des âmes pures et splendides. Et de ces âmes fut émané le parti des Anges – sauf ceux des quatre camps de la Présence Divine.
Ces âmes, qui sont des émanations angéliques, préexistaient au sein de l’Émanateur, occultées de tous. Mais avant qu’elles soient amenées à l’existence, un autre monde fut émané de formes étrangères et d’images destructrices. Le nom du gouverneur de cette émanation, le prince de tous ses guerriers, était Qamti’el (QMTYAL — קמטיאל). Ce sont ces cruels qui commencèrent à se rebeller et à confondre les émanations. Tout de suite une proclamation (keruz) fut émise par Keruzi’el (KRVZYAL — כרוזיאל), le prince et la Voix du Repentir. Il dit : « Masukhi’el ! Masukhi’el ! Détruis ce que tu as créé et rassemble tes émanations, car ce n’est pas là la volonté du Roi des rois, le Saint béni soit-Il, que ces émanations demeurent en ce monde ».
Les émanations retournèrent alors à leur état primitif et furent détruites : comme elles furent créées, ainsi furent-elles détruites. Les Sages de la tradition comparaient la matière à une mèche imprégnée d’huile ; lorsque l’on désire éteindre la flamme, on immerge la mèche dans l’huile même qui la maintenait incandescente. Ainsi, elle retourne à son état original et est éteinte ; ainsi est-elle est annihilée.
Ensuite, un autre monde fut émané, constitué de formes étranges et d’images étrangères. Le nom du gouverneur de cette émanation, le prince des guerriers, était Beli’el (BLYAL — בליאל). Ceux-ci étaient encore plus maléfiques et perturbateurs des émanations. Un décret vint alors du Roi des rois. Ils furent annihilés en un éclair, tout comme les premiers.
Sur ce, un troisième monde fut créé, constitué de formes encore plus étranges que celles du premier et du second monde. Le nom du gouverneur et prince des guerriers était ‘Iti’el (AyThYAL — עתיאל). Ce sont les pires de tous. Dans leur désir et ambition de gouverner le Divin et de Le détruire, décapitant l’arbre divin ainsi que ses branches. Un décret vint alors de la Volonté divine afin qu’ils soient annihilés comme les autres. Un autre décret fut émis afin qu’aucune autre émanation de ce type ne soient plus jamais émanée dans l’éther du monde. C’est au sujet de ces mondes que nos Sages de mémoire bénie ont dit : « Il a construit des mondes et les a détruit » [17].
[Passage manquant dans le traité]
Après la destruction de ces mondes, la Volonté divine eut le désir d’amener les âmes émanées de leur état de potentialité à celui de réalité. Parmi elles étaient les myriades angéliques et leurs campements, sept groupes en tout. Chacun des chefs de ces groupes n’était connu que de ceux qui connaissent cette tradition. Par leur pouvoir, le firmament et les planètes – appelée les sept étoiles mobiles selon les scientifiques – furent émanés. Si Dieu le veut, je vais maintenant en parler.
Il y a bien d’autres noms qui ne devraient pas être écrits, car je ne suis pas certain de leur ordre, et ce jusqu’à ce que je sois sûr de la manière de les écrire, ainsi que de leur émergence et de leur rang. Je ne l’écrirai pas, car il se pourrait que je fasse une erreur, par la pensée ou sur le papier. Il y a cependant une tradition selon laquelle à un moment précis et par une simple expression, sept autres princes furent émanés avec leur suite et ceux-là sont parfaitement connus. Répondant à une question d’un étudiant d’Avila, j’ai dû chercher leurs noms et les mettre en ordre, inspiré par une certaine idée.
Mais avant de mentionner leurs noms, j’aimerais souligner au lecteur de ce livre que les sept groupes de princes appartenant aux anges mentionnés ci-avant furent tous parés d’arcs pour une bataille rangée. Cette guerre d’inimitié et de jalousie entre eux et les sept princes ne cessera (ta’abor) jamais dans les Cieux, car leur objectif est le Seigneur de ceux qui les ont créés à partir des racines des émanations selon Sa Volonté et Son Désir, à partir des puissances de l’émanation du Repentir. Nous expliquerons cette grande jalousie et nous interprèterons ses raisons. La source divine qui a créé ces êtres ne peut être saisie. Les raisons dérivent de la manifestation des émanations. Le « secret des intercalations » (sod ha-‘ibbur) est un mystère spirituel que nul ne peut embrasser ou comprendre. Le secret est dissimulé aux anges – « Combien plus chez ceux qui habitent des maisons d’argile, qui tirent leur origine de la poussière, et qui peuvent être écrasés comme un vermisseau ! » (Job, 4, 19) – et même les allusions sont trop impressionnantes pour l’homme, et le secret est l’un des aspects de la proclamation : « Silence ! Tel est le décret ! ».
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Traduction de l’anglais, notes, ajouts et corrections à partir de l’hébreu par Spartakus FreeMann, août 2015 e.v.
NOTES
[1] Cabale et Cabalistes, Charles Mopsik, Albin Michel.
[2] C’est-à-dire les kabbalistes.
[3] Selon le Psaume 44, 19.
[4] La Sephirah Kether
[5] Rabbi Hamaï bar Hanina, le Livre des Spéculations.
[6] Jour du Grand Pardon où tous les péchés d’Israël sont remis.
[7] La Sephirah Kether.
[8] SaGaSGAL (סגסגאל) vaut 157 qui équivaut à ZaQeN (זקן), vieil homme.
[9] Ici le texte fait référence à une personne féminine qui doit être la Shekhinah, la Présence Divine.
[10] Les bras de la Présence Divine, la Shekhinah, suivant la Tradition qui veut que Celle-ci repose sur l’Arche d’Alliance, entre les deux chérubins ailés…
[11] Il s’agit de la Ruach ha-Kodesh.
[12] Il s’agit ici de la Shekhina, la Divine Présence.
[13] Référence au Cantique des cantiques, VIII, 5 : « Qui est celle qui monte du désert, Appuyée sur son bien-aimé ? »
[14] « YHVH Echad », où echad (A’HD) a pour valeur numérique 13 (Aleph=1 ; ‘Heth=8 et Daleth=4). Les treize branches sont les 13 attributs de la miséricorde qui sont la Couronne Supernelle, le Diadème (‘atara).
[15] Jacob est le symbole de la beauté et du royaume.
[16] Le Gaon est l’autorité juive halakhique des deux grandes académies talmudiques de Babylonie, Soura et Poumbedita.
[17] Bereshith Rabba, 9, 2.