Ἔφριξ᾽ ἔρωτι, περιχαρὴς δ᾽ ἀνεπτόμαν.
Ἰὼ ἰὼ Πὰν Πάν, ὦ Πὰν Πὰν ἁλίπλαγκτε, Κυλλανίας χιονοκτύπου
πετραίας ἀπὸ δειράδος φάνηθ᾽, ὦ θεῶν χοροποί᾽ ἄναξ.
Sophocle, Ajax [1].
Frémis sous la chaude étreinte de la lumière,
Pan, ô mon amant,
Viens, surgissant de la nuit,
De la nuit de Pan.
(Io Pan !
Io Pan ! Io Pan !)
Viens par-delà les mers
De Sicile et d’Arcadie !
Comme Bacchus vagabondant,
Avec ton escorte de nymphes,
De léopards, de satyres et de faunes,
Sur un âne d’un blanc de lait.
Viens par-delà les mers,
À moi ! Viens à moi !
Viens avec Apollon en robe nuptiale
(Bergère et pythonisse),
Viens avec Artémis, chaussée de soie,
Et lave ta cuisse blanche, dieu splendide,
À la lune des bois, sur le mont de marbre,
Dans les rides dorées de la fontaine d’ambre.
Plonge le pourpre de la prière ardente,
Dans la châsse cramoisie, le collet écarlate.
L’âme affolée dans des yeux clairs,
Par ta bestialité qui s’épanche
Dans le bocage enchevêtré, le tronc noueux
De l’arbre vivant qui est âme et esprit,
Qui est cerveau et corps — Viens d’au-delà les mers,
(Io Pan ! Io Pan !)
Dieu ou démon, viens à moi ! À moi !
Mon homme ! Mon amant !
Viens avec des trompettes claires
Résonnant au-dessus des collines !
Viens avec des tambours au son lourd,
Viens avec flûte et chalumeau !
Ne suis-je pas prêt ?
Moi qui attends et convulse et lutte
Contre le vent, sans aucune branche pour me nicher,
Mon corps las d’étreindre le vide,
Fort comme un lion, rusé comme un aspic —
Viens, ô viens !
Je suis engourdi
Du désir solitaire du Mal.
Enfonce ta lame dans les entraves,
Toi qui dévores tout, qui engendres tout ;
Donne-moi le signe de l’Œil Ouvert [2],
Et le symbole érectile de la cuisse épineuse,
Et la parole de folie et de mystère,
Ô Pan ! Io Pan !
Io Pan ! Io Pan ! Pan !
Je ne suis qu’un homme : accomplis ta volonté,
Comme seul un dieu peut le faire.
Ô Pan ! Io Pan !
Io Pan ! Io Pan ! Je suis éveillé
Dans l’étreinte du serpent,
L’aigle entaille avec bec et serres ;
Les dieux se retirent :
Les grandes bêtes arrivent. Io Pan ! je suis destiné
À mourir empalé sur le bois
De la Licorne.
Je suis Pan !
(Io Pan ! Io Pan ! Pan !)
Je suis ton compagnon, je suis ton homme,
Bouc de ton troupeau — Je suis d’or, je suis dieu,
Chair à tes os, fleur à ton thyrse.
Avec des sabots d’acier, je cours sur les rochers,
Du solstice entêté jusqu’à l’équinoxe.
Et je délire ; et je viole et je me fends et je me déchire
Perpétuellement — univers sans terme,
Homoncule, vierge, ménade, homme,
Dans la puissance de Pan.
Io Pan ! Io Pan ! Pan ! Io Pan !
“Hymn to Pan”, Aleister Crowley, The Equinox, (Volume III, Number 1), 1919. Traduction française par Melmothia, 2024.
[1] « J’ai tressailli de plaisir, et je vole sur les ailes de la joie. Ô Pan! ô Pan! qui parcours les mers du sommet des roches du Cyllène couvert de neiges, apparais-nous, toi qui présides aux danses des dieux. » Traduction française par M. Artaud, 1859.
[2] Très probablement une référence à la lettre hébraïque Ayin, associée à l’arcane majeure XV dans le Tarot de Thoth, c’est-à-dire « Le Diable », souvent représenté sous l’apparence du dieu Pan dans l’imaginaire populaire. Ayin signifie « œil » en hébreu.