Les systèmes magiques orthodoxes distinguent la « basse » magie (la sorcellerie), se concentrant sur l’induction de changements dans la vie d’un individu, de la « haute » magie relevant du domaine de l’évolution « spirituelle ». De manière générale, le paradigme de la Chaos Magick rejette cette distinction qui implique une philosophie niant le monde physique – celui-ci étant jugé comme inférieur au monde spirituel. En outre, cette distinction n’est pas un reflet fidèle de l’expérience magique. La prise de conscience des résultats du travail sorcier brise les liens de la réalité consensuelle, rend tangible l’efficacité de la magie et accroît la confiance que l’on a dans ses capacités et techniques personnelles ; cette expérience ouvre également une perspective du monde bien plus étendue. Le succès apporté par les techniques sorcières requiert que l’on développe sa capacité à évaluer ses performances personnelles, et que l’on examine de manière critique ses désirs. Provoquer des changements directs dans le monde nécessite que le magicien prête une grande attention à qui il est en réalité.
La sorcellerie, avec sa prédilection pour les techniques pragmatiques et les résultats tangibles, concentre l’attention sur le monde tandis que l’on est en train de l’expérimenter. Elle ne se contente pas d’une idée vague qui désignerait le monde comme étant simplement « réel ». La réalité est bien plus complexe que ce qu’on le pense.
Les dynamiques sorcières sont assez simples et une grande variété de techniques est à la disposition du magicien. Les applications de la sorcellerie sont aussi très vastes.
1. L’intention.
La plupart des actes de sorcellerie commencent par une déclaration de l’intention magique. Il s’agit là d’une simple évocation de ce que l’on désire faire et à quoi on veut arriver. Puisque des intentions vagues mènent au mieux à de vagues résultats, le magicien doit formuler sont intention magique aussi précisément que possible, sans tomber dans le verbiage inutile. On peut utiliser principalement deux techniques pour ce faire :
(1) Les systèmes divinatoires. Les désirs futiles ne sont généralement pas le meilleur point de départ qui soit. C’est là que des systèmes divinatoires comme le tarot, l’I-Ching, les runes, l’astrologie – ou un système de sa propre invention – peuvent intervenir. Par exemple, un sorcier veut obtenir un emploi – « obtenir un emploi » est donc ici le désir. Cependant, en utilisant un système divinatoire afin d’examiner les composantes de la situation, il découvre que l’élément clé qui « bloque » son désir est le manque de confiance en soi. Il va donc entreprendre un travail pour améliorer celle-ci. La divination peut également être utilisée lorsque l’on veut examiner une situation impliquant d’autres personnes et y chercher les facteurs cachés et autres motivations.
(2) La restructuration cognitive. Il y a une énorme différence entre ce que nous pensons « devoir » faire et ce qui peut raisonnablement être réalisé. Cette différence est souvent un facteur stressant dans le travail et dans la vie. Les magiciens ont souvent de grands idéaux, mais ils découvrent souvent combien il est difficile de les réaliser dans le monde. Il peut être utile, à cet égard, de prendre une intention générale et de la « briser » en plusieurs étapes intermédiaires plus facilement réalisables. C’est ce que l’on appelle les « Séries d’Événements Sorciers » : un but à long terme est réduit à une succession de paliers. Dès qu’un résultat est obtenu, la joie du succès emporte le magicien vers l’étape suivante, ce qui augmente alors les probabilités de réussite. On peut rapprocher cette technique de la théorie des dominos.
2. Les voies de la probabilité.
Contrairement à l’opinion populaire, les résultats magiques ne se trouvent pas sous le sabot des chevaux et cela aide dans un travail sorcier d’avoir une « voie » au travers de laquelle ils se manifestent. Cela relève également des probabilités. Un sorcier qui réalise un travail afin de réussir ses examens mais qui n’étudie ou ne révise pas ne met pas en place les conditions idéales à sa réussite. S’il étudie, au contraire, il augmente les probabilités de succès du travail sorcier.
3. Le temps.
Le moment adéquat est un facteur tout aussi important que sous-estimé dans la pratique magique. On doit essayer de percevoir les situations complexes de notre vie comme une suite d’événements successifs que l’on peut décomposer temporellement afin d’agir sur chaque élément au bon moment et ne pas se disperser. L’on devrait élaborer des stratégies évolutives qui permettent l’identification de changements mineurs et ensuite agir sur ceux-ci afin d’avancer lentement mais sûrement vers la satisfaction du but recherché dans l’intention magique. Une totale vigilance est requise à tout moment afin de pouvoir saisir les opportunités émergeant de situations particulières et, en ce sens, l’utilisation de méthodes divinatoires est à conseiller.
Les Opérations Sorcières – procédure de base :
Une fois que l’on a déclaré son intention magique, et que l’on a pris en compte les autres facteurs dont nous venons de parler, la prochaine étape de l’opération sorcière consiste à pénétrer dans la « Zone Libre ». Dans les systèmes magiques orthodoxes, cet acte implique de tracer un cercle magique, d’ajuster sa psychologie au travail magique ou de prendre des postures corporelles particulières. Dans le paradigme chaote, une zone libre est n’importe quel espace qui aura été redéfini comme un lieu où la réalité consensuelle est bannie et où la réalité magique est opérante. Une zone libre peut être un temple, un espace quelconque où le rituel doit prendre place ou un état de conscience particulier.
Au sein de cette zone libre, le magicien utilise toutes les techniques qui lui semblent appropriées afin de détacher sa conscience de tout ce qui ne relève pas de son travail magique. Pour y arriver, il peut réaliser un rituel magique complet ou simplement fermer les yeux et se concentrer.
Les techniques utilisées afin de définir une zone libre dépendent :
- des circonstances ;
- du temps dédié au travail ;
- de la nécessité ;
- des préférences personnelles.
Après avoir défini et avoir pénétré dans la zone libre, l’étape suivante consiste à se mouvoir vers un état de conscience vidé de toutes les choses mondaines ; un état où la volonté est libre d’agir en toute efficacité. L’état de gnose peut être atteint de trois façons :
- l’excitation ;
- l’inhibition ;
- le vide indifférent : un état de non-esprit, un état sans intérêt ou désintérêt.
Lorsque l’on arrive au paroxysme de l’état de gnose, le désir et sa représentation – un sigil par exemple – sont alors projetés vers leur cible. On bannit ensuite par l’oubli du désir et du sigil.
Le désir ayant été projeté, la zone libre est fermée par le bannissement par le rire.
C’est tout, le magicien vient de mettre en œuvre sa volonté afin de réaliser son désir. Il peut maintenant considérer ce travail comme terminé et il devrait être empli de la certitude que sa sorcellerie va fonctionner et qu’un résultat positif en émergera.
Au début, il est probable que le magicien rencontre des échecs mais il ne doit pas se décourager. Au fur et à mesure de sa pratique le taux de réussite augmentera tandis que la manière dont il appréhende son travail sera de plus en plus « libre ». Il se rendra compte qu’il peut œuvrer en tous lieux et à tous moments, que les barrières temporelles et spatiales s’estompent. Il arrivera à ce que l’on appelle la « magie aux mains vides », une magie dépouillée, sauvage et ne nécessitant plus de longues préparations. Il percevra alors que sa vie magique n’est plus séparée de sa vie « mondaine », que tout acte de la vie quotidienne est, en réalité, un acte magique sur lequel il peut agir à volonté. Sa perception de la réalité consensuelle muera afin d’englober sa vision magique du monde et le magicien entreverra alors la possibilité de créer sa réalité magique personnelle, son propre « psychochosme » comme l’appellent les théoriciens de la Chaos Magick.
La Dynamique Sorcière. Extrait de Prime chaos de Phil Hine, introduction de Dave Lee. Traduction française et adaptation par Spartakus FreeMann, janvier 2009 e.v.