« Il se peut que les événements que nous allons raconter dans ce petit livre dévoilent l’escroquerie la plus fabuleuse jamais livrée au public, mais… » – Sir Arthur Conan Doyle, « The Coming Of The Fairies », 1922.
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Nous sommes en juillet 1917. Dans le petit village de Cottingley, dans le Yorkshire anglais, vit la famille Wright, le père, la mère et les deux fillettes : Elsie âgée de 16 ans et sa cousine Frances Griffiths âgée de 10 ans, qui vont souvent jouer dans les bois jouxtant la maison. Un après-midi, Elsie rentre trempée après avoir chuté dans un étang ; craignant de se faire gronder, elle explique qu’elle est tombée à l’eau à cause des fées avec lesquelles elle jouait. Son père, pour entrer dans son jeu, lui propose de photographier ces fameuses fées. La surprise aura lieu au développement. Sur la première photo, on voit Frances souriant à l’objectif d’un air rêveur. À l’avant-plan, quatre petites créatures ailées dansent sur un tronc moussu.
La première photographie des Fées de Cottingley
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Un mois plus tard, un second cliché est pris cette fois par Frances : Elsie assise dans un pré fait face à ce qui ressemble à un lutin. Les parents refusent de croire les fillettes et soupçonnent l’aînée, particulièrement douée en dessin, d’avoir mis du sien dans les clichés. Mais deux ans plus tard, la mère d’Elsie, l’occasion d’une conférence de la Société de théosophie, évoque ces étranges photos, éveillant l’intérêt d’Edward Gardner, un membre éminent de la Société. Gardner confie les clichés à des experts qui n’y découvrent aucun artifice :
« Les négatifs sont authentiques, lui répond ainsi Harold Snelling en 1920, les photographies ont fait l’objet d’une exposition unique, en plein air. Un travail en studio aurait impliqué des moyens que la famille ne pouvait se procurer. À mon avis, les photos sont vraies ».
L’affaire attire l’attention de l’écrivain Arthur Conan Doyle à la recherche de documentation pour la rédaction d’un article sur les fées destiné à l’édition du « Strand Magazine » de Noël 1920. Pour ce passionné de spiritisme, alors que l’époque est encore favorable aux photographies d’esprits et d’ectoplasmes, la preuve de l’existence de ces créatures constituerait une aubaine permettant d’élargir « l’horizon spirituel de l’homme ». Pour commencer, Doyle envoie Gardner en reconnaissance. Le périple de son collaborateur constituera la matière de son article pour le Strand. Le père de Sherlock Holmes s’y déclare convaincu par les apparitions de fées, ce qui entraîne des réactions mitigées de la part des journaux et du public. La majorité penche pour une supercherie, raillant la naïveté de Conan Doyle qui finit par se rendre sur place en 1921 et conclut :
« Je suis convaincu de la bonne foi des deux jeunes filles. J’ai passé quelques semaines dans la famille, et me porte garant de l’authenticité de leur clairvoyance, de la présence de fées, et de l’honnêteté complète de toutes les parties concernées ».
L’année suivante, il signe un livre sur l’affaire intitulé The Coming Of The Fairies et restera persuadé de l’existence des fées jusqu’à sa mort, une dizaine d’années plus tard.
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Entre temps, le monde entier s’est passionné pour ces étranges photos qui divisent le public, comme de coutume, entre croyants et sceptiques. L’affaire des fées de Cottingley continua de soulever de multiples controverses jusqu’en 1983, lorsque Frances avoua que les photos étaient truquées. Les fillettes se seraient amusées à découper des silhouettes de fées dans un ouvrage et les auraient piquées dans le sol à l’aide de tiges métalliques. Sur son lit de mort, cependant, elle confirma que, certes les clichés étaient un canular, mais qu’elles avaient bien vu des fées dans la forêt de Cottingley.
A noter que l’apparence des fées, variable dans le passé, s’est fixée consécutivement à cette affaire – de petites créatures volantes, plutôt gracieuses -, au point d’oublier qu’elles sont un lointain écho des Parques romaines, le terme lui-même dérivant du latin fatum, « destin », qui a également donné l’adjectif « fatal ».
En 1992, le journaliste et écrivain Steve Szilagyi rédigea un roman basé sur l’affaire de Cottingley : Photographing Fairies, qui sera nominé pour le World Fantasy Award et servira de base à un film produit en 1997, Le mystère des fées : une histoire vraie, réalisé par Charles Sturridge.
Un autre long métrage, également inspiré par les événements entourant les fées de Cottingley, mais s’éloignant davantage de l’histoire originale, sortira la même année. Il s’agit de Forever de Nick Willing. On y suit les péripéties de Charles Castle, un photographe ayant perdu sa femme dans un accident tragique le lendemain de ses noces. Résolument sceptique, l’homme s’acharne à discréditer les clichés montrant de soi-disant fantômes des adeptes du spiritisme jusqu’au jour où il se heurte à un certain Conan Doyle persuadé qu’à Londres en 1917, deux fillettes ont photographié des fées.
Autre œuvre inspirée des fées de Cottingley : le bel ouvrage d’art d’Angelica Cottington, créé en collaboration avec l’ex Monty Python, Terry Jones, et illustré par Brian Froud : Le livre de fées séchées de lady Cottington, présenté comme un herbier entre les pages duquel des fées auraient été écrasées et séchées.
Angelica Cottington et Terry Jones, Le livre de fées séchées de Lady Cottington, Glénat, 1998.
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Melmothia, 2007.