Angles incarnés & son boomerang

En 2009, j’ai écrit un article intitulé « Angles Incarnés », dont le but était d’explorer la symbolique du chiffre 9 dans le satanisme de l’Église de Satan et du Temple de Set. À la fin de ce texte, je mentionnai brièvement l’Ordre des Neuf Angles, en précisant que l’accusation de plagiat portée par Aquino à l’encontre de cet ordre était excessive, ces courants ayant développé des idéologies radicalement différentes. C’est sans doute à grand renfort de Google Translation que ce texte a été compris à rebours, par des militants trop fébriles pour envisager que l’ONA n’était pas le sujet de l’article. Je n’ai pas clarifié ce point plus tôt, car je comptais développer davantage cette étude, mais j’ai abandonné ces recherches, je vais donc le republier tel quel, avec en complément la traduction de l’une des critiques reçues qui, à défaut d’être pertinente, apporte des éclaircissements sur la position de l’ONA. En ce qui me concerne, je ne prends parti pour aucun courant, préférant grappiller çà et là ce qui m’intéresse.

Mel

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Ingrowing Angles, or How Not to Name Thee Nine Angles Thingy :

Un récent article (2009), perdu dans les méandres d’internet, dont le titre est « Angles Incarnés » et proposant des liens vers des textes ennuyeux sur une forme morte en deux dimensions, le trapèze, révèle de nouveau toute la stupidité du culte d’Aquino et de là, permet de souligner la supériorité ésotérique, intellectuelle et sénestre de l’Ordre des Neuf Angles sur le « satanisme mundane et pour les mundanes » des temples de Seth et de LaVey.

L’article susmentionné livre des indications sur la fameuse Cérémonie des Neuf Angles d’Aquino, dont certains idiots prétendent qu’elle est à l’origine de « notre » nom, bien qu’un simple coup d’oeil suffise pour saisir la différence fondamentale, irréconciliable entre notre approche ésotérique, initiée et sénestre du terme d’angle, et l’approche idiote, prétentieuse, maladroite et absolument non ésotérique de ce même terme par Aquino, LaVey et tous ces mundanes accrochés à leurs absurdités mundane.

Par ailleurs, Aquino use d’un langage pantomime, dérivé des œuvres fictionnelles de Lovecraft, qui déclamé ou chanté, ne peut que provoquer le rire : « F’tang f’tang o-lay olay boîte à biscuit … ! » Ce genre de chose (maracas en fond sonore optionnels). Recommençons avec les maracas : « F’tang f’tang o-lay olay boîte à biscuit … ! »

À propos des angles d’Aquino — aïe ! Mon ongle incarné me fera-t-il encore souffrir ? –, on y trouve beaucoup de charabia, et très peu, si tant est qu’il s’en trouve, de contenu ésotérique authentique, le charabia lui-même étant est farci de prétentions poétiques pseudo-bibliques, tel que : « Celui qui rit pleure et la flûte gémit… »

Eh bien, repoussez donc les grincements tristes de la flûte magique d’Aquino, car rien ne s’élèvera à l’appel de ces ennuyeuses formes géométriques en deux dimensions. Et c’est là que réside l’erreur fondamentale, risible, de l’acrobatie angulaire d’Aquino.

Pour l’Ordre des Neuf Angles, un angle est, bien entendu, un concept à cinq dimensions ; composé de deux dimensions causales se réunissant (ou se rejoignant), en un point particulier d’un espace-temps à quatre dimensions (le continuum causal), ce point de jonction ne constituant qu’une représentation causale particulière d’un événement a-causal, c’est-à-dire que « l’angle » change avec le Temps causal. Il n’est qu’une actualisation causale d’un événement, lui-même est susceptible de modifications a-causales.

En termes plus simples, notre angle peut être considéré comme l’extension d’un angle basique en trois dimensions, un concept familier à la géométrie sphérique. Mais chaque arc d’intersection est une mesure à quatre dimensions dans l’espace-temps causal ; pour le décrire plus précisément (au moins causalement), il sera plus pratique d’utiliser un tenseur de métrique (comme ceux utilisés pour décrire la métrique riemannienne). Et même dans ce cas, ce n’est toujours qu’une nouvelle simplification causale (une abstraction causale dénuée d’a-causalité) ; car ce que nous, dans l’Ordre des Neuf Angles, évoquons lorsque nous parlons d’un « angle », ce sont les énergies a-causales manifestées dans les dimensions causales (dans l’espace-temps quadri-dimensionnel causal) ; et ces énergies pouvant se concrétiser de nombreuses façons.

Prenons un exemple en nous appuyant sur un objet particulier en trois dimensions (un tétraèdre) composé d’un matériau particulier (le quartz), dont le potentiel ésotérique (a-causal) sera activé par des résonances sonores (des vibrations sonores). Cet exemple particulier (un tétraèdre de quartz d’une certaine dimension) est utilisé, par exemple, dans le rite basique des Neuf Angles de l’Ordre des Neuf Angles, où une combinaison spécifique d’ondes sonores (un chant ou plusieurs chants, avec l’intensité et le ton approprié – par exemple en quarte ou quinte -) activeront le cristal, créant une nexion temporaire vers l’a-causal, permettant un flux d’énergie a-causale depuis la dimension a-causale vers la dimension causale. Ainsi, la combinaison statique des neuf angles causaux du tétraèdre devient une construction supérieure à ce que peut constituer un objet géométrique en trois dimensions à un moment particulier ; il devient « vivant » car empli d’énergie a-causale. Il y a un passage du temps causal au temps a-causal.

Bien entendu, ceci n’est qu’un exemple de notre utilisation ésotérique du terme « angle » – il s’en trouve de nombreux autres qui mettent en exergue la bouffonnerie des choix d’Aquino et montrent ceux qui prétendent que nous avons « volé » son travail comme les ridicules mundanes qu’ils sont.

Ordre des Neuf Angles. Publié en 120 année de Fayen, par Miss PointyHat sur le blog Sinister Times.

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Angles Incarnés

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From prisms wrought within the twilit grotto

I speak through angles mirrored with thoughts

senescent and supreme. O learn the Law,

my brothers of the night-the Great Law

and the Lesser Law. The Great Law brings

the balance and doth persist without mercy.

The Lesser Law abideth as the key, and the

shining Trapezoid is the door !

(The Satanic Rituals, Anton S. Lavey).

En 1972, Kenneth Grant signe son premier ouvrage, The Magical Revival. Outre un melting pot d’hypothèses historiques farfelues s’y trouve une mise en parallèle entre la magie de Crowley et la mythologie de l’écrivain anglais H.P. Lovecraft, dans laquelle Grant pense discerner l’écho astral d’une autre réalité. La même année, Sanzor Anton Lavey propose aux satanistes en herbe, dans The Satanic Rituals, de s’essayer à « La Cérémonie des Neufs Angles » et à « L’Appel de Cthulhu », deux rites également puisés à la source lovecraftienne. A croire que l’auteur de Providence a lui-même émis un écho astral cette année-là.

En attendant de poursuivre notre promenade touristique dans l’œuvre de Grant, je vous propose donc un détour par les enfers pour regarder ces neuf angles de plus près.

The Satanic Rituals

Cet ouvrage se veut le prolongement « pratique » de La Bible Satanique paru trois ans plus tôt. Il se présente comme une compilation de rituels empruntés à diverses cultures ; on y navigue de la France (la messe noire de La Voisin) à la Russie (la secte des Khlysty) en passant par les Templiers, les Yezidis et bien évidemment l’Angleterre de Lovecraft – car Satan, nous dit Lavey, est présent partout ! À l’époque Michael Aquino est encore en bons termes avec Lavey, il ne quittera l’Église de Satan pour fonder le Temple de Set que deux ans plus tard. Nous trouvons donc certains textes signés de sa plume dont celui qui nous intéresse ici : La cérémonie des neuf angles.

Dark Feng Shui

Pour comprendre nos angles, il faut remonter au premier groupe de Lavey, Order of the Trapezoid, prototype de la future Church of Satan, dont le symbole est un pentagramme inscrit dans un trapèze :

Sur l’évolution de ce symbole graphique, voir l’article d’Aquino :

Evolution of the Order of the Trapezoid Insignia.

Laissons de côté ce bon vieux pentagramme inversé pour examiner la forme trapézoïdale qui semble avoir été dès le départ une obsession de Lavey qui considère le trapèze comme une « onde de forme » maléfique et particulièrement puissante. Dans La Bible Satanique, il va jusqu’à suggérer que cette forme appliquée au palais de Versailles n’est pas étrangère aux premières messes noires de l’histoire :

« En l’an 1666, certains événements plutôt intéressants survinrent en France. Avec la mort de François Mansart, l’architecte du trapézoïde, dont la géométrie devait devenir le prototype de la maison hantée, le Palais de Versailles naquit, conformément à ses plans. Au même moment, une des prestigieuses prêtresses de Satan, Jeanne Marie Bouvier (Madame Guyon) était ‘pervertie’ par une femme d’affaires opportuniste et insensible nommée Catherine Deshayes, connue sous le nom de LaVoisin. Lavoisin, alors qu’elle était déjà connue pour pratiquer des avortements et pour fournir des poisons très efficaces aux dames désireuses d’éliminer des amants ou des époux encombrants, trouva dans les pratiques rituelles des ‘messes noires’ » [1].

A l’époque de La Bible de Satan, Lavey n’effectue encore aucune corrélation explicite entre ce symbole et les architectures impossibles de l’univers lovecraftien. Il est possible cependant que Lavey, grand admirateur de Lovecraft, ait été d’emblée influencé par le « Trapézohèdre étincelant » de la nouvelle Celui qui hantait les Ténèbres.

Le héros de l’histoire, un peintre et écrivain du nom de Blake découvre dans une église plusieurs anomalies dont « un polyèdre presque noir, strié de rouge, présentant plusieurs petites surfaces plates irrégulières » capable d’exercer « un pouvoir d’attraction presque inquiétant. Il ne pouvait parvenir à en détacher les yeux, et, tandis qu’il contemplait ses surfaces étincelantes, il lui sembla qu’elle devenait transparente et contenait des mondes merveilleux. Dans son esprit flottèrent les images de sphères inconnues où se dressaient d’immenses tours de pierre et des montagnes gigantesques, et où l’on ne voyait aucune trace de vie ». La même nuit, il trouve le squelette et les effets personnels d’un journaliste du Providence Telegram, parmi lesquels un carnet de notes lui permet de comprendre à quelle sauce il va être dévoré :

« [Dans son journal, l’écrivain] mentionne Celui qui Hante les Ténèbres, que l’on évoque en contemplant le Trapézohèdre étincelant, et expose des hypothèses démentielles sur les gouffres noirs du chaos d’où il est issu. Cette entité possède l’omniscience et exige des sacrifices monstrueux. […] Il parle très souvent du Trapézohèdre étincelant qu’il définit comme une fenêtre ouverte sur le temps et l’espace, et dont il retrace l’histoire jusqu’à l’époque où il fut façonné sur la sinistre planète Yuggoth, avant que les Anciens l’aient apporté sur la Terre » [2].

Des années plus tard, Aquino, dans un communiqué du Temple of Set commente : « Lavey discerne une corrélation entre les « angles anormaux » décrits par Lovecraft dans ses fictions et l’influence négative de l’architecture évoquée dans l’ouvrage de Roger De Lafforest, Ces Maisons qui tuent. Il a exprimé cette géométrie dans la Loi Majeure et la Loi Mineure du Trapèze, développant l’idée selon laquelle certains angles nuisibles à la plupart des gens seraient bénéfiques à ceux qui ont été correctement initiés à leurs mystères » [3].

Le texte auquel Aquino fait référence ici est ‘The law of the Trapezoid’ sous-titré ‘Die elektrischen vorspiele’ (prologue électrique), également extrait de l’ouvrage The Satanic Rituals. Cette cérémonie, destinée à catalyser l’énergie électrique et magnétique à des fins magiques, aurait été créée, selon Lavey, par les illuminati, puis développée par le Schwartze-Orden durant l’entre deux guerres [4]. Elle consiste à magnétiser une pièce grâce à un appareillage spécifique de telle façon que l’officiant puisse récupérer l’énergie générée pour lui-même :

« L’utilisation de l’énergie électrique et magnétique à des fins magiques, gravement négligée par la plupart des étudiants occultes, fait l’objet d’une attention quasiment maniaque de la part de l’école satanique allemande contemporaine […]. Outre la récupération de certains rites de l’Ordo Templi Orientis allemand utilisant l’énergie sexuelle, l’Ordre Noir se servait également la physique et la géométrie, utilisant des surfaces réfléchissantes, des fréquences sonores paradoxales et l’ionisation de l’atmosphère. Les espaces rituels ressemblaient aux films d’horreur de l’époque, ce qui n’est guère surprenant si l’on considère qu’ils étaient imaginés par les mêmes personnes. Des angles non euclidiens et des esthétiques lovecraftiennes en étaient les ingrédients visuels principaux » [5]. S’ensuit un commentaire sur le rôle joué par la folie et le dérèglement des sens grâce à des stroboscopes ou d’autres stimulations de ce genre, dans la magie.

Durant ce rituel du ‘Prologue Electrique’, l’officiant est allongé dans une sorte de tube pentagonal tapissé de miroirs et éclairé au néon. Nous retrouvons alors notre trapèze sous la forme d’un mobile pendouillant au-dessus de l’officiant et jouant le rôle d’accumulateur énergétique :

« Directement au-dessus du Pentagone pend un trapèze, ouvert et régulier, suspendu par une ficelle, suffisamment léger, pour qu’à la moindre incitation, il mette en mouvement. Le trapèze, construit en matériau léger, joue le rôle d’accumulateur et peut être chargé juste avant que le rituel ne commence. La longueur de la base du trapèze est égale à la longueur de chaque segment du pentagone ». Le tout est accompagné d’une longue litanie récitée par le célébrant, non dénuée de lyrisme frénétique.

La Cérémonie des Neuf Angles

« Les informations que Lovecraft livre sur les évocations et les rites sont pour la plupart fantaisistes et ne révèlent que par endroits et par inadvertance, la vérité – par exemple, lorsqu’il mentionne le Trapézoïde et Azathoth. La clé pour voyager dans les corridors entre les groupes d’étoiles est le système des Neuf Angles et la clé des neuf angles est le tétraèdre de cristal, activée par la vibration vocale. ‘Azathoth’ tel que décrit par Lovecraft, est une représentation symbolique et déformée du carrefour, dans l’espace-temps acausal, de ces corridors astraux : une sorte de tourbillon galactique ou de nœud. Ceux qui voyagent, reviennent changés à jamais.

Le long des corridors sont éparpillées des coquilles de civilisations mortes depuis longtemps. Les Neuf Angles (la clé de contact à la fois physique et astrale) sont représentés dans le septénaire des planètes et c’est par le biais de cette représentation symbolique que la magie des Dieux des Ténèbres se manifeste. Le reste, pour les non-initiés, n’est que pure terreur »

Michael Aquino.

‘La Cérémonie des Neuf Angles’ est précédée d’une introduction intitulée ‘La métaphysique de Lovecraft’. Rappelons à ce propos que le satanisme laveyien se veut athée et matérialiste. Il ne s’agira donc pas d’ausculter Lovecraft pour y découvrir de la lumière astrale ou des filiations magiques, mais de lui trouver un génie philosophique, de préférence apparenté aux idées de la Church of Satan. Lavey en fait donc un « maître de la spéculation scientifique », un philosophe conscient que « l’excellence intellectuelle va de concert avec la terreur cataclysmique », et un explorateur lucide de la psyché humaine, connaissant « la valse permanente des facettes constructives et destructrices de l’âme », la dernière couche permettant de rallier Lovecraft à la doctrine sataniste.

À l’instar du ‘Prologue Electrique’, ‘La Cérémonie des Neuf Angles’ semble avoir pour finalité d’augmenter la puissance du célébrant ou de lui permettre d’exprimer ses potentialités. Le rituel se déroule, nous dit Aquino : « dans une pièce fermée ne comportant aucune surface courbe, ni aucune flamme à l’exception d’un brasero. L’éclairage général sera assuré par la lumière des étoiles ou par celle de la lune ». Ce qui se comprend fort bien puisqu’il s’agit d’invoquer, entre autres, « celui qui hante les ténèbres », Nyarlathotep, présenté dans la nouvelle sus-citée comme une entité ailée d’un noir de jais, disposant d’un œil énorme pourvu de trois globes – d’où son problème avec les spots.

« Au dessus de l’autel se dessinent les lignes d’un trapèze régulier. Le célébrant et les participants portent tous des masques ou des perruques de façon à dissimuler ou brouiller leur véritable visage. Ils se rassemblent pour former un demi-hexagone devant l’autel, face au trapèze, tandis que le célébrant se place derrière l’autel, face aux participants. Il lève la main gauche et fait le signe d’Horus ».

S’ensuit une longue invocation sous forme de dialogue entre le célébrant et les participants. Comme attendu, les textes comportent beaucoup de consonnes et Lavey a beau jurer que la transposition de l’impossible langage des Grands Anciens a été effectuée « aussi précisément que possible », on se dit qu’une voyelle en plus par-ci par-là n’aurait pas été de trop.

Ainsi, lorsque les participants déclament : « Ki’q Y’gs-Othoth r’jyarh fergryp’hnza ke’ru phragn’glu » – ce qui signifie : « Honneur à Az-Athoth ! Sans son signe, nous ne serions pas », le célébrant doit répondre :

« Z’j-m’h kh’rn Z’j-m’h kh’r Z’jm’h

kh rmnu. Kh’rn w’nh nyg hsyh

fha’gnu er’ngi drg-nza knu ky crystr’h

n’knu. Ou-o nje’y fha’gnu

qurs-ti ngai-kang whro-kng’h rgh-i

szhno zyu-dhron’k po’j nu Cth’n.

I’a ry’gzengrho ».

Tour à tour sont ainsi invoqués Azathoth, Yog-Sothoth, Nyarlathotep et Shub-Niggurath. Puis est décrite la fonction symbolique de chacun des angles :

« Du premier angle émerge l’infini,

Où celui qui rit, pleure

Et où les flûtes se lamentent jusqu’à la fin des temps

Du second angle, vient le Maître

Qui ordonne les plans et les angles,

Et qui a conçu le Monde de l’Horreur

Dans sa terreur et dans sa gloire

[…] Dans le septième angle est la ruine de la symétrie,

Et l’éveil des démons,

Car le quatre et le neuf doivent prévaloir sur le six » [6].

Les participants concluent le rituel par « Hail, Yog-Sothoth. Hail, Nyarlathotep. Hail, Satan », et sans doute qu’ensuite, chacun rentre chez soi.

Un Ordre tout neuf

Au même titre que le trapèze, le nombre neuf semble être une obsession personnelle d’Anton Sanzor Lavey qui l’accommode à toutes les sauces dans son système satanico-philosophique :

« Le nombre neuf apparaît à de multiples reprises dans les œuvres d’Anton Szandor LaVey, le défunt fondateur de l’Église de Satan. Son premier livre, La Bible satanique, a été dédicacé, entre autres, à neuf Hommes Inconnus – une allusion au témoignage de l’esclave Tituba de Salem qui a raconté que lors d’un sabbat, elle avait rencontré un homme en noir de Boston, possédant un livre noir où étaient inscrits neuf noms. LaVey a récupéré ce motif lors de la création du Conseil des Neuf dans son groupe, instance qui tend à incarner la plus haute autorité de l’Eglise. LaVey a exprimé les bases de sa doctrine sous la forme de neuf déclarations. Plus tard, il a ajouté une liste de neuf péchés sataniques […]. Ce nombre apparaît également dans les rituels. Au cours de la Messe Noire le célébrant sonne une cloche neuf fois […]. En 1975, après la scission de l’Église de Satan (neuf ans après sa création !) le fondateur du Temple de Set, Michael Aquino, […] a utilisé le symbolisme du neuf pour sa liste des princes de l’Enfer : Satan, Balmer, Azazel, Abadddon, Asmodée, Bélial, Leviatan, Astaroth, et Anton LaVey. Un Conseil des Neuf a également été nommé dans le Temple » [7].

Le dernier texte du recueil The Satanic Ritual, intitulé ‘The Unknown known’ porte justement sur le rôle joué par ce nombre dans l’Église de Satan :

« Neuf est le nombre de l’Ego, car il revient toujours à lui-même. Peu importe que vous effectuiez les multiplications les plus complexes de Neuf par un autre nombre, dans l’équation finale, seul le Neuf restera au premier plan ». Outre cette propriété mathématique, Lavey suppose que la plupart des cycles correspondent à des périodes de 9 ans ou à des multiples de 9. Il émet l’hypothèse que des âges de glace et de feu se succèdent sur terre suivant ce rythme, puis, en conclusion, rappelle que la Church of Satan a été fondée en 1966, ce qui ne saurait qu’un bon présage pour l’avenir du satanisme dans le monde.

La postérité des angles

En 1982, Michael Aquino, qui a fondé en 1975 son propre groupe sataniste, The Temple of Set, reprend à son compte l’appellation du premier ordre de Lavey, « The Order of the Trapezoid », pour désigner une sous-section du Temple de Set, fondée en collaboration avec Stephen Flowers.

Order of the Trapezoid est une loge toujours active, consacrée à l’étude du mysticisme asatru et national-socialiste. Selon les membres de l’OT.r, la fascination pour l’occultisme nazi et l’utilisation de ses symboles ne sont en rien politiques, le satanisme, au contraire du national-socialisme, nous dit Aquino, étant centré sur l’individu plutôt que la nation, sur le développement de la volonté propre plutôt que sur l’uniformisation des individus dans l’intérêt de la société. Libre à chacun de le croire sur parole.

Un groupe appelé The Order of Shining Trapezohedron (O.S.T.), fondé par Flowers pour « explorer le côté sombre du courant odiniste » verra également le jour en 1983 ; j’ignore à quel point ce groupe était rattaché au trapèze précédent. Quoiqu’il soit, il n’a vécu qu’un an et a fermé ses portes en 1984.

À la même époque, un auteur signant ses textes du pseudonyme d’Anton Long fonde (ou redynamise) un groupe dénommé Order of The Nine Angles qui n’a plus grand-chose à voir avec le rituel évoqué dans cet article. Derrière le pseudonyme d’Anton Long pourrait bien se dissimuler le très antipathique David Myatt, néo-nazi à la tête du National Socialist Movement en Angleterre, appelant au terrorisme « aryen » et au massacre des « races inférieures » – du moins, jusqu’à sa récente conversion à l’Islam. Bien que David Myatt ait toujours nié être Anton Long ou même être en relation avec l’Ordre des Neuf Angles, l’information est relayée par nombre de journalistes et d’écrivains, dont le très sérieux Nicholas Goodrick-Clarke.

Sceau de l’ONA

L’O.N.A. prône un satanisme darwiniste et crispé du bras droit, encourageant le sacrifice humain comme moyen d’éliminer les « faibles ». Bien que se présentant eux-mêmes comme des darwinistes sociaux, Lavey et Aquino, dans leurs chapelles respectives de l’Église de Satan et du Temple de Set, ont toujours manifesté une profonde antipathie pour leur cousin angulaire, trop extrême à leur goût et, selon eux, plagiaire en question d’angles. Depuis, ces braves gens n’en finissent plus de régler leurs comptes. Dans un texte intitulé « Behind the Facade » qui cherche quantités de poux à Aquino, l’O.N.A. se défend contre ces accusations ; en guise de preuve sont livrés des extraits du rituel d’Aquino et de leurs propres rites. Et, en effet, les deux approches sont très différentes. Ouf, encore un peu et nos satanistes nazis prônant l’assassinat risquaient de voir ternie leur image de marque.

Melmothia, 2009.

[1] « La messe noire », dans La Bible Satanique, Anton Sanzor Lavey, Camion Noir, 2006.

[2] « Celui qui hante les ténèbres » (« The Haunter of the Dark ») fut écrit par H.P. Lovecraft en 1935 et publié l’année suivante dans le volume 28, No. 5 de la revue Weird Tales.

[3] « Order of the Trapezoid : Mission statement », Temple of Set, 1997-8.

[4] Ce terme est généralement utilisé pour désigner l’ensemble de l’organisation SS. Lavey semble en faire un ordre mystique particulier. Peut-être fait-il référence aux mouvements ariosophistes.

[5] The Satanic Ritual, Companion to The Satanic Bible, par Anton Szandor LaVey, Avon, 1976.

[6] Un article de Michael Aquino intitulé « Commentary on the Seal of the Nine Angles » attribue des valeurs symboliques différentes à chaque angle.

[7] « The number nine in the tradition of the norsemen », par Arkadiusz Soltysiak.

 

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