Nous sommes le 14 novembre 1974 dans la petite ville d’Amityville aux États-Unis. Il est près de 19h lorsqu’un certain Joey Yeswit avertit la police qu’il vient de trouver six cadavres dans la maison voisine : « Venez vite, dans la maison d’à côté, ils sont tous morts ! »
Arrivées sur place, les forces de l’ordre découvrent les corps de la famille DeFeo assassinée par balles. Après une brève enquête, les soupçons se tournent vers le seul survivant du massacre, le fils aîné des DeFeo, un jeune homme instable dont le récit présente de nombreuses incohérences. Tout d’abord, il avoue les crimes et livre une première version des événements : il se serait réveillé vers 3h15 du matin, aurait pris le fusil pour abattre les membres de sa famille en commençant par ses parents, ses frères, enfin ses deux sœurs. Pris de terreur devant les corps, il serait sorti précipitamment de la maison, puis aurait roulé un moment, avant de revenir sur les lieux.
Mais plusieurs choses ne collent pas. Par exemple, aucun des voisins n’a entendu les coups de feu. Pourtant, les meurtres ont été commis avec un Marlin calibre .35, un fusil très bruyant. Et au moins neuf coups ont été tirés. Par ailleurs, l’aspect systématique des meurtres laisse soupçonner l’intervention possible d’un deuxième meurtrier.
C’est du moins la thèse de l’avocat de Ronald DeFeo qui pense que les crimes ont été commis par sa sœur Dawn, que le jeune homme aurait ensuite tuée. Dans l’une de ses nombreuses versions des faits, Ronald DeFeo parlera d’un « diable noir » qui lui aurait remis l’arme, et des années plus tard, un témoin dira avoir vu une jeune femme armée d’un fusil sortir en courant de la maison quelques heures avant les meurtres. Cependant, en l’absence d’éléments décisifs pour incriminer un second meurtrier, Ronald DeFeo sera jugé comme seul coupable des crimes et condamné à 6 fois la perpétuité.
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Malgré les petits défauts dans le scénario, qui inspireront plus tard le réalisateur d’Amityville 2, le dossier est classé comme une affaire horrible, mais sans mystère.
Du moins jusqu’à l’arrivée des Lutz.
La maison, une belle demeure de style victorien, est mise en vente à un prix très bas. C’est un jeune couple avec trois enfants qui l’achète. Plus tard, ils déclareront n’avoir eu aucune réticence eu égard au passé des lieux, mais dès leur emménagement, les problèmes commencent : leur chien, un labrador, manque de s’étrangler avec sa chaîne en tentant de sauter la clôture, tandis que des nuages de mouches infestent certaines pièces et que la porcelaine des sanitaires se met à noircir. Des taches apparaissent sur les meubles et sur la moquette et la température dans la demeure ne cesse de varier. Des bruits étranges, parfois des cris, se font entendre la nuit, surtout vers les 3 heures du matin, heure présumée des crimes, à laquelle Georges Lutz dira s’être réveillé toutes les nuits, mal à l’aise et angoissé. Durant la journée, il passe le plus clair de son temps dans le jardin à couper du bois. Il dira avoir perdu beaucoup de poids durant son court séjour dans la demeure et avoir été sujet à des sautes d’humeur allant jusqu’à des crises de violence.
Un ami de la famille leur conseille de faire bénir la maison. Le pasteur racontera avoir ressenti une certaine appréhension à l’égard des chambres de l’étage ; plus tard, il ajoutera qu’il aurait « reçu une gifle invisible » et entendu des voix lui intimer l’ordre de s’en aller. Puis c’est le tour de la petite Mélissa : l’enfant raconte à sa mère qu’elle a nouvel ami appelé Jodie qui se présente à elle sous la forme d’un cochon. Jodie aurait dit à l’enfant que sa famille resterait dans la demeure pour toujours.
Les phénomènes s’enchaînent avec une telle virulence que les Lutz fuient les lieux au bout de 28 jours. Refusant de relater ce qu’il s’est advenu durant leur dernière nuit à Amityville, le 14 janvier 1975, tôt le matin, ils quittent la maison et n’y remettront jamais les pieds. La banque récupère la propriété et les meubles sont vendus aux enchères, tandis que la famille Lutz part s’installer en Californie.
L’affaire attire l’attention des médias, d’autant qu’avant de quitter la région, Georges Lutz a pris le temps de donner une conférence de presse. Le 112 Ocean Avenue à Amityville va donc devenir la maison la plus hantée d’Amérique, ou du moins la plus médiatisée.
Le 6 mars 1976, une chaîne de télévision locale pénètre dans la demeure avec une équipe de médiums, dont les époux Warren, des « démonologues » de renom. Immédiatement, l’un des participants est pris de douleurs à la poitrine, tandis qu’un autre affirme ressentir la présence d’un démon. Plus tard, l’un des médiums racontera avoir jeté de l’eau bénite sur des meubles qui se serait instantanément évaporée. Si rien ne se manifeste devant la caméra, à la grande déception de la journaliste, Laura DiDio, qui dirige le reportage, l’examen des photographies prises sur les lieux réserve quelques surprises. Plusieurs dispositifs prenant automatiquement des clichés à intervalles réguliers avaient en effet été disposés dans la maison. Des années plus tard, quelqu’un remarque un détail étrange sur l’une des centaines d’images prises cette nuit là. Ce qui ressemble fort au visage d’un enfant apparaît dans l’encadrement de la porte.
Un deuxième reportage aura lieu quelques mois plus tard, cette fois parrainé par Channel 5, mais rien de spectaculaire ne se passe et les journalistes repartent déçus Ainsi que le déclarera Ed Warren dans une interview : « Pour le convaincu, aucune preuve n’est nécessaire. Pour l’athée et le sceptique, aucune preuve n’est possible ».
Entre temps, l’intérêt pour la maison maudite d’Amityville n’a pas décru et les anciens voisins des Lutz ont davantage à se plaindre des touristes que des fantômes. D’autant, qu’en 1977, les Lutz, sous contrat commercial, se sont confiés à l’auteur de romans Jay Anson qui a rédigé, d’après leur récit The Amityville Horror (en français, Amityville, la maison du Diable). L’ouvrage est rapidement devenu un best-seller mondial.
Deux ans plus tard, une adaptation cinématographique sort dans les salles. Réalisé par Stuart Rosenberg, le film remporte à son tour un énorme succès, au point que les nouveaux propriétaires de la maison, les Cromarty doivent s’enfuir devant les hordes, non des spectres, mais de curieux. L’endroit est devenu le rendez-vous préféré des exorcistes, médiums, journalistes et parapsychologues. Et chacun y va de sa théorie. Le film reprendra d’ailleurs l’hypothèse d’Hans Holzter, le plus célèbre chasseur de fantôme des États-Unis, selon laquelle la demeure abriterait l’esprit d’un chef indien enterré sur le terrain.
Toute cette publicité n’est pas du goût de Jim et Barbara Cromarty qui ont toujours maintenu que la maison était « absolument charmante ». Ils iront jusqu’à intenter un procès contre les Lutz pour escroquerie et violation de vie privée. C’est que l’histoire est, pour ainsi dire, trop belle et de plus en plus de gens soupçonnent une fraude. Un journaliste du nom de Rick Moran compare les différentes versions des récits des Lutz et trouve qu’elles se sont bien transformées au fil du temps. Dans le livre d’Anson, sont dénombrés plus d’une centaine d’incohérences et d’erreurs matérielles.
Quant à Jodie le cochon dessiné par la petite Mélissa, des voisins interrogés s’exclament : « mais c’est notre chat ! Il était tellement gros que Georges Lutz l’appelait le cochon ». Chat qui avait l’habitude, racontent-ils, de s’installer sur l’appui des fenêtres…
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Le premier « Amityville », sorti en 1979, reprend assez fidèlement la trame du livre de Jay Anson. George et Kathy Lutz emménagent avec leurs trois enfants dans ce qu’ils pensent être la résidence de leurs rêves. Mais des événements inexplicables ne tardent pas à troubler leur quotidien. Ces incidents auraient-ils un rapport avec les meurtres commis un an plus tôt dans la maison ?…
Trois ans plus tard sort sur les écrans la préquelle : Amityville Possession (1982), avec pour ambition de raconter « la véritable histoire » à savoir celle de la famille DeFeo – rebaptisée Montellis dans le film. On y apprend que l’assassin est possédé par le diable.
L’année suivante, le spectateur est prié de ne pas oublier ses lunettes bicolores à l’entrée de la salle, car la maison revient en 3 dimensions cette fois. Amityville 3D (1983) prétend ajouter un chapitre final à l’histoire puisqu’à la fin du film, la maison explose.
Heureusement, quelqu’un a pensé à sauver le mobilier ce qui permettra la sortie d’un Amityville 4, 5 et 6 avec une lampe affreuse, une horloge et enfin un miroir dans les rôles principaux. La série s’épuise décidément, et il faudra qu’Andrew Douglas réalise un remake du premier opus pour réveiller les spectateurs. En 2005, sort le film judicieusement intitulé Amityville 2005 qui, sans être une totale réussite, parvient au moins à faire à peu près oublier les ratages précédents.
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(1979) Amityville, la maison du diable, réalisé par Stuart Rosenberg
(1982) Amityville 2 – Le possédé, réalisé par Damiano Damiani
(1983) Amityville 3D, réalisé par Richard Fleischer
(1989) Amityville 4 – Le retour du diable, réalisé par Sandor Stern
(1990) Amityville Curse, réalisé par Tom Berry
(1992) Amityville 1993 : Votre Heure à Sonné, réalisé par Tony Randel
(1993) Amityville Darkforce, réalisé par John MuRlowski
(1996) Amityville – La maison de poupées, réalisé par Steve White
(2005) Amityville horror 2005, réalisé par Andrew Douglas
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Melmothia 2009 (article rédigé pour la chaîne SyFy).
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Le site Dailymotion propose plusieurs vidéos à déguster en ligne :
« Amytiville l’histoire vraie », réalisé en 2005 par la chaîne Planète No Limit est un documentaire d’une durée de 50mn divisé en trois parties sur Dailymotion :
Un documentaire de l’émission History’s Mysteries, réalisé en 2000 par la chaîne The History Channel, intitulé « Amityville: Horror or Hoax? ». Ce reportage est disponible en Version Originale sous-titrée en trois parties :
Un reportage de la chaîne National Geographic Channel pour l’émission Is It Real? diffusée en 2006. Le documentaire est intitulé « Hauntings » :