Goth, le romantisme noir, Patrick Eudeline

« Le Gothisme transcende notre triste condition. Comme le dandysme, il réfute notre animalité et vomit l’état de nature. Le Goth croit (…) que le Monde n’est surtout pas celui qu’on nous donne à voir. Alors il s’en invente un autre, qui ressemble à un tableau de Clovis Trouille ou de Beardsley, où les garçons avancent bottés et cape au vent… Certains vont plus loin : ils ne croient pas non plus à la science, mais aux forces secrètes et aux hantises. Ils vivent entourés de fantômes. Mieux vaut le Passé que ce triste Présent ! (…) L’an 2000 ? On nous avait promis des mondes à découvrir ! Des soucoupes volantes et la maîtrise de l’Énergie. À la place, des générations entières de lecteurs de Ann Rice rêvent à de frais et poussiéreux caveaux tendus de tulle noir »

Patrick Eudeline, Goth, le romantisme noir, éditions Scali, 2005.

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Abondamment illustré, sorti dans un format qui permet de le recycler en plateau-repas, Goth, le romantisme noir se pose d’emblée dans la catégorie livre d’art, pourtant il s’y trouve des articles et, une fois qu’on l’a feuilleté façon catalogue d’expo, on peut toujours les lire. On s’aperçoit alors que le meilleur y côtoie le pire.

Du côté du meilleur, « Batcave, les années folles », signé Isabelle Chelley propose un résumé intelligent et efficace de l’émergence et de l’évolution du genre. Du suicide de Ian Curtis à la réécriture actuelle du genre par les fetishs et les électros, la journaliste soulève quelques lièvres essentiels comme l’évolution des réactions médiatiques, une décennie pour que les journaleux passent des ricanements à l’alarmisme, ou la récupération improbable de la littérature romantique par des musiciens dont originellement : « le point commun le plus marquant […] n’est pas purement musical, mais tient dans le fait qu’ils s’habillent tous en noir, une façon de se distinguer des adeptes colorés, souriants et pailletés du disco ».

Même chose pour l’article d’Aliz Tale, « Les goths aujourd’hui », bien documenté et agréable à lire. Ces deux-là sont d’ailleurs agréablement complémentaires.

Moins réussi, celui où Eudeline se perd en conjectures. À vouloir ratisser large, le voilà occupé à ne pas dire grand-chose. Dommage, moi qui avais tellement aimé, à rebours des opinions gotheuses communes, ses interventions radiophoniques et télévisuelles… Mais après tout, Eudeline, c’est l’homme qui a dit à la radio en parlant des suicidées d’Ivry que « grâce au gothique, elles étaient tombées moins vite ».

9782350120249Après le générateur aléatoire de poésie goth, je suggère de créer le générateur aléatoire d’articles de Bourre : « Non, Baudelaire n’est pas mort. Son âme spectrale plane sur les antimondes sauvages où l’armada du diable dans un ricanement explosif brandit la dague rituelle des maudits, là où Gilles de Retz et le Comte de Monte Cristo se baignent dans la lune indomptée près du démon Lilith, dans l’aura vénéneuse et orgiaque du rock’n’roll… » Bon d’accord, c’est pas encore très clair, mais c’est la version démo.

Entre temps, Thierry « le boucanier » nous a raconté une soirée chez les SM, Laurence Romance nous a fait partager sa crise d’adolescence, et Stéphane Heuzé a tenté de nous faire peur en nous résumant Frankenstein et Inferno.

Inégal est définitivement l’adjectif convenant à un ouvrage qui se clôt sur un petit article bien juteux comme on les apprécie dans toutes les minorités qui lavent plus blanc. Dans le monde merveilleux et sucré des dark bisounours où tout le monde paie ses impôts et reste poli avec la concierge, on a compris que, pour mieux s’en débarrasser, il fallait passer le flambeau de l’abjection à quelqu’un d’autre. Comme toujours le Black Metal va jouer son rôle de bouc émissaire. Cinq pages grand format pour dire qu’on ne veut pas de ça chez nous, que les Black-metalleux, c’est rien que des sataniques qui brûlent des églises, qu’ils sont sales, malpolis et transmettent des maladies. En guise d’argument, on nous ressort l’épouvantail Vikernes. Mais que fait la police ?…

Melmothia, 2006.

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