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Falcifer – Seigneur des Ténèbres
(Deofel Quartet, Volume I)
Anton Long – Order of Nine Angles
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Première publication : 1976 e.n.
Version corrigée (v.1.01) 119 année de Fayen
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Les œuvres réunies sous le titre The Deofel Quartet ont été rédigées entre 1974 et 1993, par Anton Long, le fondateur de l’Ordre des Neuf Angles (ONA).
Ce recueil contenant quatre courts romans Falcifer – Lord of Darkness, The Temple of Satan, The Giving, et The Greyling Owl, s’est enrichi par la suite d’un cinquième texte, Breaking The Silence Down, et s’est vu rebaptisé The Deofel Quintet.
Bien que pouvant être abordées comme de simples fictions distrayantes, ces écrits étaient originellement destinés à l’édification des novices de l’Ordre, chacune des histoires étant censée illustrer un certain type d’énergie magique. Le texte proposé ici, Falcifer – Seigneur des Ténèbres, a été publié pour la première fois en 1976, et serait associé, selon son auteur, aux lames du Tarot XIII, L’Arcane sans Nom ; XV, Le Diable ; et VIIII, La Lune, ainsi qu’au processus alchimique de la calcination.
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PROLOGUE
Le chant était sur le point d’atteindre son paroxysme démoniaque :
« Agios ô Atazoth ! Suscipe, Satanas, quod tibi munus offerimus … »
Au sommet de la colline, il n’y avait aucun souffle de vent susceptible de disperser le chant, et les danseurs nus tournoyaient de plus en plus vite autour de l’autel, sous le clair de lune nocturne, frénétiques dans leur danse rythmée par la scansion des tambourins.
Les deux chantres vêtus de robes rouges achevaient d’incanter leur hymne satanique. Près d’eux, Tanith la Maîtresse, la plus ancienne des prophétesses, proféra à l’adresse du Grand Maître :
« Du cercle d’Arcadia, il viendra, apportant le don de sa jeunesse comme sacrifice et la clef pour ouvrir la porte à nos dieux… »
L’instant d’après, les danseurs se laissèrent tomber sur le sol, au bord de l’épuisement, les visages rougis par le Grand Bacchus et l’intensité de la danse ; tout autour de l’autel sur lequel Tanith se tordait, l’orgie sexuelle débuta.
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CHAPITRE I
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Hull, Yorkshire de l’Est, fin des années 60.
La pièce était sombre, malgré les bougies allumées sur l’autel et Conrad pouvait à peine distinguer les sorcières se préparant pour le rituel. Leur grande prêtresse portait une robe écarlate ; elle vint vers lui, ses pieds nus évitant le cercle peint sur le sol et les coupes d’encens dont la fumée emplissait la salle d’un parfum suave et l’obscurcissait davantage.
« S’il vous plaît », lui dit-elle en lui pressant la main, avant de recoiffer ses longs cheveux afin qu’ils retombent sur ses épaules, « essayez de vous détendre ».
Puis se déplaçant dans la pièce, elle donna les dernières directives aux membres de son convent. Tout cela semblait plutôt ennuyeux et dénué de véritable magie à Conrad et il a commençait à regretter son admission. Il se sentait finalement plutôt à l’aise dans son costume, tandis que les autres portaient des robes.
« Nigel ! », entendit-il la Prêtresse crier, « s’il te plaît, ne laisse pas traîner notre livre sur le sol ! »
Elle récupéra son exemplaire du Livre des Ombres et le posa sur l’autel avant de faire sonner la clochette.
« Commençons », dit-elle.
Elle se tenait au centre du cercle, les quatre hommes et les deux femmes rassemblés autour d’elle. Elle leva les mains de façon dramatique, avant d’entonner :
« Ténébreuse nuit et lune brillante, prêtez attention à notre rune Wicca. Est et Sud, Ouest et Nord, entendez notre invocation… ! »
Elle tournait sur elle-même et, sous sa robe légère, Conrad apercevait ses seins. Il la trouva sexuellement attirante et se mit à suivre attentivement ses mouvements.
Peut-être que cela ne serait pas si ennuyeux après tout, pensa-t-il…
Mais tout à coup, les bougies vacillèrent et s’éteignirent. Aucun souffle d’air. Cette obscurité soudaine était inattendue. Conrad put sentir la Grande Prêtresse près de lui et tendit la main, mais il échoua à la toucher.
« Qu’est-ce que c’est ? », demanda une voix masculine nerveusement.
L’encens était devenu plus épais et plusieurs membres du convent se mirent à tousser.
« Tout va bien — vraiment ! », dit la prêtresse d’une voix confiante, « Nigel, rallume les bougies ».
Personne ne bougea. Une lumière apparut au-dessus de l’autel, rouge et circulaire. Elle se mit à pulser avant de descendre pour se précipiter sur l’un des membres du convent qu’elle brûla. La victime tomba sur le sol en hurlant tandis que le halo se déplaçait de nouveau pour s’immobiliser au-dessus de la tête de Conrad, l’éclairant de sa phosphorescence.
Il vit la grande prêtresse effectuer des passes frénétiques en l’air, en marmonnant « Avante Satanas ! » Mais ses mots et ses gestes n’eurent aucun effet sur lui, car elle n’était qu’une prêtresse inefficace de la Voie Droite, alors qu’il sut à cet instant précis qu’il avait été choisi.
Puis la pulsation lumineuse disparut et les bougies éclairèrent de nouveau la pièce.
« La lumière ! Est-ce que quelqu’un peut allumer la lumière ? »
Sa voix était tendue. Conrad sourit.
Le convent entier se rassembla derrière elle dans le cercle de protection.
« Partez, s’il vous plaît, allez-vous-en », dit-elle, « vous n’êtes plus le bienvenu ici. Je sens le Mal ».
« Oui, répondit Conrad, je vais m’en aller. Mais je reviendrai ».
Il fit un pas vers elle et l’embrassa sur les lèvres. Elle recula.
« Vous êtes très belle », dit-il, « et vous perdez votre temps ici ».
Le froid, à l’extérieur de la maison, le ramena à la réalité. Il se souvint qu’il avait oublié son manteau et qu’un bus portant le numéro 65C devait le reconduire à son université.
Les rues éclairées au sodium semblaient irradier une beauté mystérieuse dans la nuit hivernale et, comme il les traversait lentement, le sentiment de puissance qu’il avait ressenti commença à s’estomper pour se transformer en un léger et vague malaise.
Un bus le laissa près du campus et il erra dans les allées bétonnées qui entouraient l’Université sans remarquer l’homme qui le suivait. Il se souvenait du défi lancé par Neil à son scepticisme à propos de la sorcellerie et de la magie, l’invitation que son ami avait rapidement organisée pour lui permettre de rencontrer le convent et son rire en guise de réponse. Voilà qui serait intéressant, avait-il pensé et il s’imaginait observer la scène avec un détachement scientifique, tandis que ces âmes simples se livreraient à leurs fantasmes sexuels sous couvert d’occultisme.
À plusieurs reprises, le souvenir de la beauté sensuelle de la Grande Prêtresse, du riche parfum de l’encens et de son baiser arrêta ses pas, et plusieurs fois il se retourna, avec l’intention de retourner là-bas. Mais le pouvoir, l’assurance arrogante qu’il avait ressentis dans la demeure, tout comme la lumière étrange qui l’avait baigné de son éclat, avaient disparu et il n’était plus qu’un étudiant en première année de sciences, maladroit et timide avec les femmes.
Il se dirigea donc plutôt vers la maison près du campus que Neil partageait avec d’autres étudiants. Neil fut heureux de le voir. Ils s’assirent dans sa chambre. Une musique à un volume élevé se diffusait dans la demeure.
« Tu reviens tôt », a déclaré Neil, et il sourit.
Conrad décida de ne pas perdre de temps en futilités :
« Je veux que tu me parles de la magie. »
« Tu es sérieusement intéressé, alors ? »
Conrad pensa à la grande prêtresse, à son corps voluptueux :
« Oui ! »
« Eh bien, comme tu le sais, je m’intéresse à cette question et j’ai quelques connaissances ».
« Donc — le but du sorcier est de contrôler ces forces ou des pouvoirs qui seraient occultes ou bien dissimulés à notre perception quotidienne ? »
Neil sembla surpris : « Oui, exactement. Tu as lu sur le sujet ? »
« Non. »
« Alors comment… ? »
Conrad haussa les épaules : « C’est une déduction évidente et logique ».
Neil sourit. Sa propre formation était artistique, et son monde se résumait à cette ville et au port dont l’Université tirait son nom. Il avait croisé la face osseuse de Conrad un mois plus tôt, en distribuant des tracts sur le campus. Conrad avait lu le document et, dans la discussion qui a suivi, en avait démoli le contenu avec logique et efficacité. Ce jeune homme sérieux, vêtu d’un costume contrastant avec les vêtements décontractés des autres étudiants, l’avait impressionné.
« Fondamentalement, dit Neil, la magie symbolise les différentes forces, parfois en termes de dieux, déesses ou de démons et parfois sous des formes purement symboliques. La connaissance de ce symbolisme constitue la base de leur contrôle — suivant le désir ou la volonté du sorcier. »
« Je vois. »
« Bien sûr, certaines personnes estiment que ces entités — dieux, démons, etc. — existent dans la réalité, à l’extérieur de nous, tandis que d’autres pensent que ces puissances ne sont qu’une partie de notre subconscient et de notre inconscient. Concrètement, cela n’a pas d’importance, les moyens d’en prendre le contrôle étant essentiellement les mêmes ».
« Alors, où se trouve tout ce symbolisme ? »
Il montra les rangées de livres dans la chambre. Neil lui en donna un :
« Celui-là explique l’essentiel de la magie cérémonielle. Il est basé sur ce que la plupart des occultistes pensent être la tradition magique occidentale ».
Conrad jeta un coup d’œil sur le livre :
« Mais encore ? »
« La kabbale. L’univers occulte et les forces qui le façonnent sont représentés par ce qu’on appelle l’Arbre de Vie qui se compose de dix sphères ou séphiroth. Chaque séphirah correspond à certaines choses dans le monde — humain, divin, et bien sûr démoniaque. »
Conrad regarda : « La plupart des occultistes, tu dis ? Et toi, tu en penses quoi ? »
Neil ne fut aucunement surpris de la perspicacité de Conrad. « Il existe une autre tradition. Secrète. »
« Mais encore ? »
« Elle a beaucoup de noms ».
« Je n’en doute pas. Tu vas m’en parler ou non ? »
« J’en ai seulement entendu parler indirectement, pour ainsi dire. Il existe une tradition sénestre… Certains diraient « satanique », qui est basée sur une division en sept, contrairement à la kabbale qui suit un système en dix. L’un de ces noms est le système septénaire ».
« Et tu connais le détail de ce système ? »
« Je connais des gens qui connaissent un groupe qui l’utilise… »
« Et grâce à un tel système magique, on peut obtenir ce que l’on désire ? »
« C’est possible, oui »
« Et je peux les rencontrer quand, ces Magiciens Noirs ? »
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CHAPITRE II
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« Donc, vous êtes le Mage Noir dont j’ai tellement entendu parler ? » Conrad décocha un regard dédaigneux à son interlocuteur, avant de s’asseoir dans le fauteuil qui lui était désigné. La chambre tout comme l’homme n’avaient rien d’impressionnant. Peintures tristes accrochées sur des murs ternes et un crâne humain reposant au sommet d’une pile de livres de poche contenant des histoires d’horreur.
« Certains disent que je suis un Mage Noir ».
L’homme était vêtu de noir et portait autour du cou un médaillon avec le symbole du pentagramme inversé.
« Votre ami, M. Stanford m’a informé de votre intérêt pour les Arts Noirs. Il y a des rumeurs qui courent sur vous ».
« C’est vrai ? »
« Pourquoi êtes-vous ici ? » demanda l’homme.
« Parce que vous tenez certaines réunions ».
« Peut-être. »
« Des réunions qui attirent pas mal de gens »
« Parfois ».
« Dont l’une aura lieu ici, ce soir ».
« Pour un néophyte, vous êtes plutôt bien informés. »
Conrad sourit. Cela avait pris seulement une semaine à Neil pour organiser la rencontre, mais il avait bien utilisé ce temps.
« Je souhaite participer au rituel. »
« Vous devez comprendre, dit l’homme, que nous suivons certaines procédures. Pour ceux qui veulent être initiés. Une période d’essai. »
« Tout à fait. Mais vous n’auriez pas accepté de me rencontrer ce soir et à cette heure, si vous n’aviez pas l’intention de me permettre d’y assister. »
Comme s’il réfléchissait à sa réponse, l’homme alluma un petit cigare, dont la fumée forma un nuage autour de lui : « Vous pouvez assister à la première partie du rituel. La seconde est, je le crains, réservée aux initiés. Par la suite, si vous le souhaitez, nous pourrons en parler davantage. » Il se leva.
« Venez, vous devez rencontrer certains de nos membres ».
Il fut conduit dans une pièce à l’arrière de la maison spacieuse. Les fenêtres étaient couvertes de longs rideaux noirs et les murs avaient été peints en rouge. Une grande table en bois, recouverte d’un drap noir, servait d’autel ; il s’y trouvait des bougies noires allumées, une épée, plusieurs poignards, des coupes d’argent et des calices. Dans un coin de la pièce, on pouvait voir une statue presque grandeur nature d’une femme nue dans une posture indécente qui lui rappela Sheila-na-gig. Les participants étaient réunis autour de l’autel, vêtus de robes noires, mais ils ne lui adressèrent pas la parole et il resta en costume, près de la porte, tandis que le magicien se dirigeait vers l’autel. Il prit l’épée et la frappa contre le poignard, en disant : « Gloire à Satan, Prince des Ténèbres ! »
La congrégation fit écho à ses mots, en levant les bras en un geste théâtral, tandis qu’il ôtait la robe d’une jeune femme, avant de l’aider à s’allonger nue sur l’autel. Elle souriait, ses seins se soulevant au rythme de sa respiration. Conrad regardait intensément. Un par un, les membres de la congrégation se déplacèrent pour aller l’embrasser sur les lèvres. Le magicien l’embrassa en dernier, puis se tournant vers les autres : « Je descendrai vers les autels infernaux. »
Les participants répondirent : « À Satan, qui donne l’extase. »
« Louons notre Prince. »
« Notre Père qui fut dans le ciel, que ton nom soit sanctifié, au ciel comme ici-bas sur Terre. Donne-nous aujourd’hui notre lot d’extase et de désirs et livre-nous au mal ainsi qu’à la tentation, car tu es le royaume pour les éons des éons ! »
Le magicien dessina en l’air avec son index gauche le signe du pentagramme inversé, avant de dire : « Que Satan soit avec vous. »
« Comme il est avec vous. »
« Proclamons notre foi. »
Ils proclamèrent en chœur leur croyance satanique : « Je crois en un seul Prince, Satan, qui règne sur cette Terre et en une seule loi, le Chaos, qui triomphe de tout. Et je crois en un seul Temple, notre Temple dédié à Satan et en un mot qui triomphe de tout : le mot extase ! Et je crois en la loi de cet Éon qui est le Sacrifice, et le don de sang pour lequel je ne verse aucune larme, car je rends grâce à mon prince qui donne et apporte le Feu, comme je me réjouis de son règne et des plaisirs à venir dans cette vie ! »
La congrégation continua ses litanies dans une veine similaire, tandis que le magicien effectuait des passes avec ses mains au-dessus du corps de la femme allongée sur l’autel. Il chantait quelque chose, mais Conrad ne put saisir ce qu’il en était. Il vit le magicien soulever un calice et verser une partie du vin qu’il contenait sur le corps de la femme. Puis il montra le calice à l’assemblée avant de le placer entre les cuisses de celle qui était couchée sur l’autel.
Un membre féminin de la congrégation vint se placer entre l’autel et le chantre :
« Moi qui suis la mère des prostituées et la reine de la Terre, dont le nom est écrit par l’agonie du falsificateur Yeshua sur la croix, je suis venu pour te rendre hommage ! »
Elle embrassa la femme sur l’autel.
Elle tenait quelque chose dans la main que Conrad ne pouvait discerner et fit à son tour des passes au-dessus de la femme nue, tout en chantant. Elle montra à la congrégation ce que Conrad supposa être une hostie :
« Voici, dit-elle, la saleté de la Terre que l’humble doit manger ! »
Elle rit, la congrégation se mit à rire à son tour, puis elle jeta l’hostie, ainsi qu’une poignée d’autres, à l’assemblée qui la piétina.
« Donnez-moi, dit-elle à la femme sur l’autel, votre corps et votre sang que j’offrirai comme cadeau à notre prince ! »
Le magicien se tenait à côté lorsqu’elle leva les jambes. Mais deux membres de la congrégation entraînèrent Conrad hors de la salle.
Dehors, une femme l’attendait : « On m’appelle Tanith — du moins ici ! » Le jeune homme la dévisagea. Ses cheveux gris étaient coupés courts, accentuant ses traits et ses vêtements étaient un étonnant mélange d’indigo et violet. Il y avait la beauté dans ses traits matures et une sexualité évidente dans ses yeux.
« Pardon ? », fit Conrad.
« Venez, allons discuter ».
Elle l’emmena dans une pièce confortable où brûlait un feu de cheminée et s’assit près de lui.
« Vos impressions sur le rituel », demanda-t-elle directement.
Il avait suffisamment retrouvé ses esprits pour répondre : « Trop de faste et pas assez de contenu »
« De l’humour, également. Une combinaison des plus agréables ! Qu’est-ce que vous cherchez ? »
« La connaissance ».
« Comme Faust ? Vous voulez vendre votre âme au diable ? »
« Je ne crois pas qu’il y ait une âme ni un diable à qui la vendre ».
« Et ce que vous avez vu, ici ce soir ? C’est ce que vous cherchez ? »
Il avait senti qu’il n’y avait aucun pouvoir magique réel dans le rituel, pas de mystère pour le captiver, rien de numineux pour l’attirer. Seulement les attraits du sexe et ce qui lui avait quasiment ressenti comme une chape d’ennui durant les invocations sataniques. Il avait commencé à réaliser, tandis qu’il suivait l’action, qu’il voulait quelque chose de plus que le sexe. Il désirait le retour du pouvoir qu’il avait ressenti une semaine plus tôt au début du rite wicca. Le rituel satanique l’avait frustré — mais Tanith l’intriguait.
« Je dois admettre, lui dit-il, que je suis déçu. »
« Mais je vous intéresse. »
« Je… »
« Pourquoi être embarrassé ? C’est un sentiment parfaitement naturel. »
Elle sourit, et humidifia ses lèvres avec sa langue. « Mais d’abord, parlons d’un autre sujet. Je pourrais vous présenter un Maître susceptible de vous instruire. Vous, comme toute personne désirant apprendre. Êtes-vous prêt à apprendre ? »
« De quelqu’un que je peux respecter, oui. »
« Contrairement à notre ami de ce soir, Sanders. »
« Oui — contrairement à lui. »
Ce fut au tour de Conrad de sourire. Le parfum de Tanith avait quelque chose d’exotique et il eut du mal à ne pas regarder ses seins, partiellement exposés par les plis de ses vêtements singuliers.
« Donc, le divertissement de ce soir était une mascarade ? »
« Comme vous êtes perspicaces ! Et que de talents cachés. Mais pas une mascarade. Pas exactement »
« Une incitation ? »
« Pour certains : pour ceux qui n’ont pas vos talents. »
Elle se pencha vers lui :
« Demain, vous pourrez rencontrer la personne que vous cherchez. Il y aura un prix à payer, cependant. »
Conrad eut l’air consterné.
« Je n’ai pas d’argent. »
« Je ne pensais pas à l’argent. »
« Alors quoi ? »
« Une telle innocence ! » Elle se pencha tout près, si près qu’il pût sentir son souffle sur son visage et voir les ridules autour de ses yeux. Puis elle l’embrassa. Il était tellement surpris qu’il recula.
Soudain, elle comprit : « Vous ne l’avez jamais fait, n’est-ce pas ? »
Elle caressa doucement son visage avec sa main : « Eh bien, je ferais mieux, alors, de rendre ce moment mémorable ».
Dehors, dans la nuit, il avait commencé à neiger.
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