« Je viole mon corps d’infâmes blessures, stigmate obscur de la dévotion,
Infection lunaire des 9 cicatrices, prisonnier enchaîné a la douleur céleste, je suis l’esclave, je suis l’envoûté.
Abadon a fait ses promesses et a saigné mon âme pour suivre l’ombre de la Méduse,
Attente insistante dans un brouillard sans saveur.
Hécate donne moi tes reins, cogne-moi contre la pierre d’Émeraude et avec violence glorifie Babalon.
Hécate, enlace ta langue au fond de ma gorge…
Titan tricéphale, triade lunaire, reflet de Scylla au centre des 4 chemins, magicienne de Médée, maîtresse de Circé, déesse chthonienne, porteuse de la torche, a toi notre louange, louange a toi…! »
(Aryos, Les Stigmates d’Hécate)
*
Un an après la sortie des Stigmates d’Hecate, album pour lequel Maxime Taccardi a réalisé une splendide illustration, le groupe Aryos a choisi d’éditer en tirage limité à 100 copies, un format cassette des Stigmates, coproduit par Exu Rei et Arsenestre. Comme ces gens ne savent pas faire simple, la cassette elle-même est sortie en deux versions : une version profane et une version ésotérique.
En déballant la seconde, j’ai eu la surprise de découvrir un livret très riche et toute une population de feuillets : prières, textes invocatoires, dessins, sceaux nécromantiques et même un sachet de thym. À la question, « Napharion, faut-il le fumer, le brûler ou le consommer en tisane ? », il m’a été répondu : « Si tu veux une belle poitrine, fais-en une lotion et envoie les photos au guitariste ».
Je me suis donc tournée vers le coproducteur de l’album :
« Bonjour, monsieur Arsenestre, pourriez-vous nous dire, tout d’abord, pourquoi vous avez choisi de sortir un format cassette à l’ère du numérique ? »
« Salutations Dame Rat Holes ! A mes yeux le format tape est un symbole du passé et représente une forme d’intégrité dans le milieu underground, d’un point de vue esthétique, il est plus attrayant que le format CD, et niveau son, c’est sans comparaison avec le numérique. Comme le format vinyle (qui revient doucement à la mode), le format tape gardera toujours des inconditionnels, comme moi, même s’il est vrai qu’ils sont de moins en moins nombreux… »
« Quelles sont, de ton point de vue, les relations entre musique et magie ? Est-ce que ce genre de création artistique constitue un véritable artefact magique ou plutôt un acte de dévotion ? »
« La musique a toujours été liée à la magie. Elle a sa place dans les cérémonies rituelles depuis la nuit des temps, car elle a le pouvoir de modifier l’état de conscience et les perceptions. De plus elle peut résonner dans d’autres plans plus subtils que notre plan matériel, c’est donc aussi une manière de communiquer. L’album d’Aryos est un acte de dévotion sans aucun doute, les deux versions tape le sont donc aussi, mais seule la version ésotérique peut être qualifiée d’artefact. Artefact vient du latin Ars et Facere, autrement dit Faire/Fabriquer de l’Art, sous-entendu avec ses mains… Fabriquer manuellement est un moyen d’imprégner un objet, une création, de certaines énergies, c’est bien pour cela qu’en magie il est fortement conseillé de fabriquer soi-même ses outils rituels. C’est suivant cette logique que je travaille avec Arsenestre en alliant musique (musick) et magick. »
« Es-tu un adorateur d’Hécate – ce que l’illustration signée de ta main dans le livret tendrait à laisser penser – ? »
« Si tu me demandes si mon autel est dédié à Hécate alors non. Mais Hécate étant l’une des trois déesses de la Triade Lunaire et ayant une fascination pour cet astre, alors oui, en ce sens, je le suis. Le nom et l’image d’Hécate sont un archétype très récent, comme toutes les divinités de tous les panthéons connus. Ma démarche spirituelle et mon approche de la magie tendent à transcender ces notions archétypales. On dit, et je suis d’accord que la magie est un art, mais c’est avant tout une science. »
« Une science ? »
« Oui, une science dans le sens ou tout a une façon de fonctionner, une logique, un rôle, une origine et tout est relié, donc tout peut être compris. Bien entendu je ne pense pas que cela puisse être le cas dans notre condition actuelle, sur ce plan, mais dans l’absolu, je crois que oui. Cela pourrait être ma définition de l’Illumination, en partie du moins ».
« Qui a eu l’idée de cette cassette “ésotérique” ? Toi, le groupe ou les deux ? D’autres projets dans la même veine pour Arsenestre, à l’avenir ? » »
« C’est apparu comme une évidence, ça ne s’est pas discuté en fait. Le contenu de cette version a été pensé en commun avec Napharion et je me suis chargé de la réalisation. La création de ce type d’édition est une particularité d’Arsenestre, il y en a eu par le passé et je travaille actuellement sur 3 autres qui verront le jour en temps voulu. Donc il y aura encore beaucoup de projets de ce genre, entre autres. »
*
*
Outre des prières signées Philippe Pissier, Aleister Crowley, Edgar Kerval, Napharion Zviadadze et Soror D.S., la « version ésotérique » de la cassette d’Aryos propose un rituel rédigé par Edgar Kerval dont voici un extrait :
« Une nuit de lune croissante, placez les symboles, statues et images de la déesse infernale sur votre autel, de façon à plonger votre esprit dans un état de transe profonde. Diffusez une belle musique rituelle et allumez trois bougies noires placées en triangles, représentant les trois visages d’Hécate. Après quelques minutes de méditation sur l’essence de la déesse et ses attributs, prenez l’une des bougies et tenez-la en l’air devant vous, en vous concentrant sur le sceau de la flamme infernale ; visualisez ce sceau s’élevant de la flamme en disant :
Aux seuils, aux carrefours du vide,
Je t’invoque par ce sceau, maîtresse du sang sorcier
Et des mystères sabbatiques, afin que tu m’assistes
Dans cette initiation au temple de tes libations,
Ô Toi, déesse du feu infernal,
Ouvre-moi les portes de tes mystères sacrés,
Agios Hekate AK – Ak Hek Hekate
Agios Hekate AK – Ak Hek Hekate »
…
Melmothia, 2016.
*