Par Spartakus FreeMann
בְּחָכְמָה יִבָּנֶה בָּיִת וּבִתְבוּנָה יִתְכֹּונָן׃
« La maison sera bâtie par la sagesse, et sera affermie par l’intelligence » (Proverbes, 24, 3 – Bible de Martin).
וּבְדַעַת חֲדָרִים יִמָּלְאוּ כָּל־הֹון יָקָר וְנָעִים׃
« Et par la science les cabinets seront remplis de tous les biens précieux et agréables » (Proverbes, 24, 4 – Bible de Martin).
Da’ath au sein de la Kabbale.
Sagesse (Hokhmah – חָכְמָה), Intelligence (Binah – בוּנָה) et Connaissance (Da’ath – דַעַת) sont les trois concepts majeurs de la pensée kabbalistique. Mais, tandis que Hokhmah et Binah sont clairement indiquées sur l’Arbre de Vie, et sont considérées comme des Sephiroth à part entière, il en va tout autrement de Da’ath qui, souvent, n’est même pas mentionnée comme faisant partie du système des Sephiroth. Le Sepher Yetsirah ne dit-il pas « Dix Sephiroth issues du Néant ; dix et non neuf ; dix et non onze » ? Da’ath étant la onzième Sephirah, elle « sort » ipso facto du processus des 10 Émanations. En outre, Da’ath est cette connaissance dont il est question dans l’épisode de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal (עץ הדעת טוב ורע), ce qui a toujours pu causer un certain trouble à ceux qui cherchaient à trop s’en approcher.
Si la majorité des kabbalistes ignorent, ou passent sous silence cette Sephirah, les mystiques de Safed on souvent violé cette « règle de dix » en posant le principe d’une onzième Sephirah, Da’ath s’interposant sur le sentier reliant Binah et Chesed. Cordovéro posait le principe que Da’ath jouait le rôle d’harmonisateur au sein de l’Arbre.
Le mot Da’ath se traduit littéralement par « connaissance », mais il porte également le sens d’union et de relation, comme dans le verset « Adam connut sa femme Ève » ; וְהָאָדָם יָדַע אֶת־חַוָּה (Genèse, 4, 1). Ainsi, la Kabbale représente souvent Da’ath comme un principe de connaissance gnostique – une connaissance expérimentale et empirique plutôt qu’épistémologique – une union du sujet et de l’objet… Ne dit-on pas qu’expérimenter Dieu, c’est connaître Dieu ? Da’ath est le nœud entre l’intellect pur et les émotions.
Des trois « cerveaux » de l’intellect, Da’ath constitue la partie subjective, la capacité de l’esprit à appliquer une compréhension abstraite aux événements matériels de la vie.
La Kabbale explique ainsi que Da’ath est le point d’union entre la Sagesse (Hokhmah) et l’Intelligence (Binah), non émanée, comme les autres Sephiroth, elle agit comme un principe unifiant et liant pour l’Arbre en son ensemble. Là où les autres Sephiroth sont perçues comme des « récipients » de la Lumière, Da’ath est l’approximation la plus proche de ce que serait cette Lumière : « Da’ath est la Lumière de Hokhmah » (Zohar).
Dans les 32 Sentiers de la Sagesse, Da’ath se situe sur le Sekhel Shalem, ou « Conscience parfaite » qui représente la maîtrise parfaite du flux qui passe de la Sephirah Hokhmah à la Sephirah Binah, le « père » et la « mère » de Da’ath. Ceux qui atteignent à ce niveau d’état de Conscience connaissent l’Harmonie entre les 2 hémisphères du cerveau, et sont capables d’appréhender totalement la Logique et la Raison, l’Intuition et la Créativité.
Certains kabbalistes ne comptent Da’ath que lorsque Kether n’est pas comptée comme Sephiroth apparente au sein de l’Arbre. Pour eux, Da’ath représente la dimension intérieur, le reflet, de Kether dans le domaine du conscient. Dans ce cas, Da’ath apparaît dans l’Arbre, sur l’Axe du Milieu directement en dessous de l’espace habituellement attribué à Kether.
Symbolisme.
Dans Spiritualité de la Kabbale, Virya écrit à son sujet :
« Da’ath est la science, le savoir ou plus exactement la Gnose de Dieu, elle est l’équilibre entre la Sagesse et l’Intelligence, entre l’intuition et la cogitation.
Dans l’homme Daath se place entre les deux hémisphères du cerveau, c’est pour cela que dans la Bible il est écrit : « Et c’est pourquoi je demande à ceux qui recherchent l’Éternel qu’ils contemplent et méditent, et qu’ils l’aient comme un souvenir entre leurs yeux ».
Dans la conscience humaine Daath est l’acquisition définitive d’une nouvelle richesse de l’être qui servira à mieux s’attacher et se diriger vers la vraie source de Sagesse, la Hockmah Ilaah (Sagesse suprême).
L’ensemble des deux Sephiroth Hockmah, Binah, et la non-Sephira Daath, est réuni sous le nom de Habad, qui est l’acrostiche de ces trois mots. Habad est aussi le nom de l’école et du mouvement intellectuels fondés par Rabbi Schneour Zalman de Liadi.
Habad est en relation avec le principe fondamental de l’existence, avec le corps subtil de l’univers. Le Divin est présent en ce lieu sous la forme de la lettre Yod (première lettre du tétragramme). »
Da’ath est associé, au niveau de l’âme, aux propriétés de la mémoire et de la concentration qui reposent sur la reconnaissance (hakarak) et la sensitivité (hergesh) de la signification potentielle des idées générées par la conscience par Hokhmah et Binah.
Les Kabbalistes nous disent que Da’ath est la porte menant à Dieu en se basant sur l’interprétation des lettres composant ce mot ; la première étant un Daleth (ד) qui symbolise une porte et qui est la quatrième de l’alphabet hébreu ayant pour valeur 4. Cette lettre résume ainsi ce que Da’ath est en réalité, tant dans la Kabbale traditionnelle que dans la Cabale occultiste : la porte vers les sphères supérieures, mais aussi l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal (Etz Da’ath Tov ve-Ra), une porte faisant communiquer deux mondes, deux versants, et les équilibrant harmonieusement.
La Kabbale nous dit qu’en Da’ath s’unissent les Quatre Éléments : l’Air de Kether, le Feu de Hokhmah et l’Eau de Binah, et l’Élément Terre qui implique la présence du nombre Quatre (Daleth), le Quaternaire, suite logique de la manifestation de « la Triade Supérieure ».
Da’ath forme ainsi avec la Triade Supérieure le Premier Quaternaire, un Quaternaire essentiellement spirituel, car de celui-ci va émaner l’ensemble des Forces se manifestant ensuite dans la Création (les trois autres Quaternaires).
Da’ath constitue la porte – la fracture – par laquelle se réalise le phénomène de la réalisation, engendrant l’Illusion de l’Espace et du Temps.
La seconde lettre du mot, en hébreu, est Ayin (ע), seizième lettre de l’alphabet hébreu qui symbolise l’œil, l’expérience, le savoir, la perception.
La troisième lettre est le Tav (ת), dernière lettre de l’alphabet hébreu qui symbolise un sceau.
Ainsi, le mot se lit : Daleth (ד), la porte ; Ayin (ע), la perception ; Tav (ת), la fin de l’œuvre. Au travers de la connaissance, on peut obtenir une vision, une perception du chemin, du monde, de toute la création.
Da’ath opère sur deux niveaux : le niveau supérieur, appelé « da’ath elyon », sert à resserrer les liens entre Hokhmah et Binah ; le niveau inférieur, appelé « da’ath tachton », sert à connecter l’intellect avec le domaine des émotions. C’est de cela que parle le livre des Proverbes (24, 4), « les chambres sont emplies par la science ». Les chambres sont celles du cœur, des émotions de l’âme. Ce niveau est défini, par le Zohar, comme étant la « clé qui inclut six ». Cette « clé », la magen david en réalité, ouvre les six chambres (ou attributs ou attitudes, dei’ah en hébreu) du cœur et les emplit de force de vie. Cela nous est confirmé par la guématria, puisque 474 qui est la numération de Da’ath correspond à 6 fois 79 qui est celle de dei’ah. Par conséquent, Da’ath inclut et génère les 6 dei’oth.
Da’ath et la Magie contemporaine.
Le fait que Da’ath signifie « connaissance », on ne saurait trouver de meilleur attribut pour les éléments associés à l’esprit, au langage et à la magie. Si pour certains kabbalistes modernes, cette Sephirah est négative – ce qui n’est pas le cas pour la Kabbale traditionnelle (on se référera au Zohar à ce sujet) – elle n’en est pas moins devenue un point central des pratiques et des systèmes magiques contemporains.
« Ce point central entre les deux piliers symboliques des opposés, le lieu des énergies équilibrées à partir duquel le travail des opposés peut correctement se concevoir, est DAAS (Da’ath) qui est le nom de la Sephirah occultée… DAAS, qui se développe, au cours de notre évolution tandis que nous apprenons à dominer nos inclinations mentales et émotionnelles, est situé à la base de notre cou. Sa position est à un endroit de l’épine dorsale juste sous l’occiput, un ou deux pouces au-dessus du larynx, et son diamètre est de plus ou moins 4 pouces. On le perçoit comme un lien symbolique entre le Génie supérieur, d’un côté, et l’ego, de l’autre » (Israel Regardie).
Dion Fortune ne nous dit pas autre chose, lorsqu’elle écrit :
« Daath, la mystérieuse, l’invisible Séphire, qui n’est jamais marquée sur l’Arbre, est associée, dans le système occidental, avec la base du cou, le point où l’épine dorsale rencontre le crâne, celui où le développement du cerveau eut lieu chez nos premiers ancêtres. Daath est ordinairement considérée comme représentant la conscience d’une autre dimension ou celle d’un autre niveau ou plan ; elle évoque essentiellement l’idée d’un changement de clef » (La Cabale Mystique).
Gareth Knight, quant à lui, nous dit que Da’ath est le lieu où « toute force pure prend forme » et qu’elle est « l’unité la plus élevée dans le monde des formes », « Da’ath est le point supérieur de la conscience de l’âme humaine ».
Les mages actuels dérivent presque tous leur système Sephirotique des travaux de la Golden Dawn qui considérait Da’ath comme une non-Sephirah remplissant le vide, géométrique, philosophique et énergétique, entre la Triade supérieure formée par Kether, Binah et Hokhmah et les 7 Sephiroth inférieures de l’Arbre. C’est du moins le cas dans la structure de l’Arbre telle que donnée par le Ari.
Il en va tout autrement dans la version du Gra dans laquelle aucun « vide » n’existe où placer Da’ath qui se pose naturellement comme un principe unificateur et équilibrant sur le Sentier reliant Binah et Hokhmah, d’une part, et Kether et Tiphereth, d’autre part.
Les deux schémas qui suivent posent clairement ces différences. Dans celui du Ari, Da’ath est positionnée au centre précis des sentiers reliant Binah et Chesed d’une part, et Hokhmah et Guebourah d’autre part. Cet Arbre est celui de la Chute où Da’ath, même si elle n’y est pas clairement indiquée, joue le rôle de gardien des mondes supérieurs. On remarque la formation d’un Pentagramme inversé, pointant vers le bas, qui, sans tomber dans l’interprétation morale, signifie sans doute clairement le caractère d’Arbre après la Chute, la Brisure des Vases. Tiphereth a chuté et se place entre Guebourah et Netzach et Chesed et Hod.
La version du Gra offre une vision de l’Arbre d’avant la Chute où Tiphereth se situe à la place de Da’ath, comme point d’équilibre harmonieux entre Binah et Hokhmah.
A gauche : la version du Ari. A droite la version du Gra.
Aleister Crowley, le fondateur du mouvement de Thelema basé sur la réception du Livre de Loi, parle de Da’ath et de l’Abysse dans son Little Essays Toward Truth comme nous allons le voir, sa description ne s’éloigne pas tant qu’on aurait pu le penser de la Tradition kabbalistique. Chaque Sephirah a, en effet, un versant obscur ; celui de Daath pourrait être l’illusion, l’imagination coupée du réel, les obsessions, la folie :
« Cette doctrine est très difficile à expliquer ; mais elle correspond, plus ou moins, au gouffre existant entre le Réel, qui est l’idéal, et le Non Réel, qui est factuel. Dans les Abysses, toutes les choses existent, du moins potentiellement, mais elles n’ont pas de signifiant réel ; car elles manquent d’un substratum de réalité spirituelle. Elles ne sont qu’apparences sans Loi. Elles ne sont donc qu’Illusions Folles.
Les Abysses sont ainsi un grand magasin de Phénomènes, la source de toutes les impressions ».
Dans le système kabbalistique de Crowley, les Abysses correspondent à la 11e Sephirah, Da’ath, qui sépare les Sephiroth supérieures et inférieures de l’Arbre de Vie. Cette vision dérive en droite ligne des enseignements occultes de l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée, à laquelle Crowley avait appartenu, et qui suivaient d’ailleurs la structure de l’Arbre de vie du Gra : dans l’épisode de la Genèse, Da’ath représente la chute de l’homme d’une conscience unifiée dans une dualité où règne l’ego et la nature divine. Les Abysses sont gardés par le démon Chorozon qui se manifeste durant la cérémonie du passage des abysses. Cette opération est jugée très dangereuse, mais impérative dans l’œuvre du magicien. Son succès garantit la progression future au degré de Magister Templi (Maître du Temple).
« Il est important d’expliquer la position de Da’ath ou Connaissance sur l’Arbre. Elle est nommée Enfant de Hokhmah & de Binah, mais ne possède aucun lieu. En fait, c’est véritablement l’Apex d’une Pyramide dont les trois premiers nombres sont la Base.
À présent, l’Arbre, ou Minutum Mundum, est une Figure dans un Plan de l’Univers solide. Da’ath, étant au-dessus de ce Plan, est par conséquent une Figure d’une Force dans les Quatre Dimensions, & donc c’est l’Objet du Magnum Opus. Les Trois Voies qui sont connectées avec la Trinité Primordiale sont les trois lettres perdues ou Pères de l’alphabet hébreu.
En Da’ath ont dit que se situe le Grand Serpent Na’hash ou Leviathan, appelé Mal afin de cacher sa Sainteté.
Il est semblable à la Kundalini de la philosophie hindoue, au Kwan-se-on des peuples mongols, & signifie la Force dans l’Homme qui est la Force sexuelle appliquée au Cerveau, au Cœur & aux autres organes & qui le rédime » (« Dogme de la Kabbale », A. Crowley. Publié dans Collected Works, Volume I, 1905).
Dans son fameux et fumeux Livre des Mensonges, qui porte le chiffre 333 (qui n’est autre que la Guematria du nom de « CHORONZON »), Crowley en fera le symbole idéal du mensonge humain personnifié par l’Abîme qui se situe justement entre la Triade Supérieure composée des Sephiroth Kether, Hokhmah et Binah, et la Seconde Triade, composée de Chesed, Guebuurah et Tiphereth. C’est l’Abîme où se tient la Sephirah Da’ath, la Connaissance.
Dans sont Liber 418, Liber XXX Ærum vel Daath – la Vision et la Voix, 10e Æthyr (The Equinox Volume I n°7) Crowley explique comment et pourquoi l’Adepte doit traverser l’Abîme et devenir un Magister Templi, comme il est précisé dans « Une étoile en vue » :
« L’Adeptus Exemptus parachève en perfection toutes ses matières. Il devient alors soit (a) un Frère du Sentier de la Main Gauche ou, (b) est dépouillé de toutes ses réalisations ainsi que de lui-même, même de son Saint Ange Gardien, et devient un enfant de l’Abîme, qui, ayant transcendé la Raison, ne fait rien hormis croître dans la matrice de sa mère.
C’est alors un… Magister Templi (Maître du Temple), dont les fonctions sont entièrement décrites dans le Liber 418, de même que cette complète initiation d’Adeptus Exemptus. Voir également « AHA! ». Sa principale Œuvre est d’entretenir son « jardin » de disciples, et d’obtenir une parfaite compréhension de l’Univers. Il est un Maître de Samadhi. »
« Pour atteindre le Grade de Magister Templi, il doit réaliser deux tâches ; l’émancipation des pensées en confrontant chaque idée à son contraire, en refusant de préférer l’une ou l’autre ; et la consécration de lui-même en tant que pur véhicule pour l’influence de l’Ordre auquel il aspire. Il doit alors trancher à propos de l’aventure de notre Ordre ; l’abandon absolu de lui-même et de ses réalisations. Il ne peut pas rester indéfiniment un Adeptus Exemptus ; il est poussé en avant par la force vive qu’il a générée.
Faillira-t-il, volontairement ou par faiblesse, créer sa propre annihilation absolue, il est néanmoins poussé dans l’Abîme ; mais au lieu d’être reçu et reconstitué dans le Troisième Ordre, comme un Bébé dans la matrice de notre Dame BABALON, sous la Nuit de Pan, pour grandir complètement et vraiment jusqu’à Lui-même comme il ne l’était pas antérieurement, il demeure dans l’Abîme, sécrétant ses éléments autour de son Ego comme s’il était isolé de l’Univers, et devient ce que l’on nomme un « Frère Noir ». Un tel être se désagrège graduellement par manque d’alimentation et par la lente mais certaine action de l’attraction du reste de l’Univers, en dépit de ses efforts désormais désespérés pour s’isoler et de se protéger, et de s’accroître par des pratiques prédatrices. Il peut en effet prospérer pour un temps, mais à la longue, il doit périr, surtout lorsqu’avec un nouvel Æon, un nouveau mot est proclamé, Mot qu’il ne peut et ne veut pas entendre, il est alors handicapé par l’utilisation d’une méthode obsolète de Magick, à l’image d’un homme utilisant un boomerang dans un combat ou les autres posséderaient un fusil. »
Voilà donc succinctement décrite la fonction de Da’ath dans le système de Crowley, repris et calqué sur celui de la Golden Dawn. Un test primordial dans l’œuvre du mage. Soit traverser et devenir un maître – de soi, de sa destinée, de son existence – ou échouer comme un « frère noir » et sombrer dans le monde infernal des illusions, se dissoudre dans le côté avers de l’Arbre.
Frater Achad (Charles Stanfeld Jones) reprendra les travaux kabbalistiques de Crowley et fondera un nouveau système qu’il développera dans l’Anatomie du Corps de Dieu. Il y analyse la forme de l’Arbre de Vie et s’interroge dès le chapitre III sur la représentation usuelle qui suit :
« On peut être enclin à penser de prime abord qu’il devrait y avoir une autre Sephira au centre de l’hexagone supérieur, & c’est, en fait, le lieu assigné à la Sphère de DAATH, ou Connaissance, en tant qu’enfant de Hokhmah & Binah. Mais cela n’est pas indiqué dans le plan de l’Arbre car elle (DAATH) représente une Connaissance Dimensionnelle Supérieure, qui doit être tirée de l’ensemble de l’Arbre, comme il est écrit : « Tire la Connaissance de lui ». Si une telle Sphère devait être montrée sur le dessin, cela nécessiterait des Chemins supplémentaires qui y mèneraient, mais on nous dit clairement que les Chemins de la Sagesse sont Trente-deux en tout, c’est-à-dire les Dix Émanations Numériques & leurs liens constitués par les Vingt-deux lettres ».
Il conclut qu’il manque, de toute évidence, des chemins reliant 2 à 5 & 3 à 4 ou de 1 à 4 & de 1 à 5 sur ce même Arbre. Il propose donc de le compléter de la manière suivante :
Ainsi complété, l’Arbre de Frater Achad nous montre le symbole du Pentagramme droit – qui est l’Étoile de la Volonté Insoumise dans le Microcosme – uni avec le Signe de l’Hexagramme du Macrocosme. Et il conclut : « Par conséquent, nous trouvons un « Abysse » & aucun lien direct entre Binah & Hessed ». Cet Abysse est alors représenté par Da’ath.
Le concept de Da’ath sera ensuite profondément revu, adapté et intégré par Grant au sein de son système de magie typhonienne. Dans son livre Nightside of Eden, Grant redessine l’Arbre de Vie et redéfinit Da’ath, qu’il écrit Daäth, comme étant la porte abyssale vers l’avers, ou côté obscur, de l’Arbre :
« Le nom donné par les kabbalistes à la Porte du Gouffre est Daäth, et dans la tradition occulte c’est le lieu où le dragon aux huit têtes des profondeurs a disparu dans l’arrière de l’Arbre lorsqu’il tenta, sans succès, de l’escalader afin d’atteindre le cœur même de la divinité (Kether). Le mot Daäth suggère immédiatement le nom d’une autre porte qui s’ouvre sur le vide de l’extinction personnelle, la Mort.
… La Connaissance de Daäth , ou de la Mort [1], relève de la nature du secret de la Dualité représentée par l’ombre ou le double magique par lequel l’homme vainc la mort et pénètre par la Porte de Daäth afin d’explorer le Royaume de Choronzon, le Désert de Set » (Nightside of Eden, page 8). « Daäth… parfois appelée « fausse sephirah »… est la porte de sortie vers les espaces extérieurs au-delà, ou derrière, l’Arbre lui-même » (cité par Frater M.E.D., Sword of Horus, p. 166).
Grant définit Choronzon comme une moitié ou aspect de la Grande Bête 666, la Gardien du Seuil de l’Univers inconnu, ou Univers B – un concept emprunté à Michael Bertiaux. Nightside of Eden dépeint l’autre côté de l’Arbre en se référant aux 32 sentiers comme étant les Tunnels de Set :
« Daath est également la demeure de Choronzon, la Gardien de la Porte des Abysses. En rassemblant toutes ces significations, nous percevons que la Connaissance de Daath, ou Mort, ressort de la nature de la Dualité représentée par l’ombre ou le double magique par lequel un homme vainc la mort et pénètre par cette porte de Daath afin d’explorer la Demeure de Choronzon, « le désert de Set » » (Nightside of Eden).
Concernant les associations de Da’ath dans le système typhonien, Frater M.E.D, dans Sword of Horus, cite Grant : « La glande thyroïde, dans la région du larynx, correspond au Visudha Chakra (qui est attribuée à Daäth). Cette glande, lorsqu’elle s’active, augmente la sensitivité et rend l’individu hypersensible aux sensations physiques, astrales et mentales. Si cette glande est surstimulée, il y a danger de mégalomanie ». On retrouve là les propriétés occultes traditionnellement attribuées à Da’ath, avec un zeste de tantra pour rester dans la ligne de la magie crowleyenne.
Dans Nightside of Eden, citant un passage d’un texte de Lovecraft, il note : « Le pilier (parlant de la Cité des piliers, Irem) est l’emblème de Set, l’une des significations du nom de ce dieu étant « pilier ou pierre dressée », et le désert est la demeure de Set (c’est-à-dire de Daath). Irem, alors, fut la première Porte établie par les Grands Anciens et cette Porte était le lieu de Daath ou Eden » (Grant, Nightside of Eden, page 69).
Par permutation, Grant transforme Daath en OthD, un mot hébreu qui signifie un « bouc » et qui équivaut numériquement au mot grec « duo », signifiant « deux ».
Dans la lignée de Crowley, Grant, partant du constat que Daath fut décrite par les cabalistes comme étant une fausse Sephirah car elle n’avait pas de place définie dans le schéma des nombres de 1 à 10, conclut qu’on peut considérer qu’elle est la onzième Sephiroth. Onze est le nombre de la magick, de « l’énergie tendant aux changements », qui est la formule précise de l’Opération de Daath et la raison de son association avec la mort en tant que changement suprême.
Ainsi que nous le faisions remarquer dans notre article « Les Qliphoth, les séquelles », Grant, suivant et adaptant les enseignements de Crowley, développe une mythologie personnelle. Il associe Daath aux « Frères Noirs », « à ceux qui ne perçoivent l’univers que comme une réalité objective ». Issus d’étoiles mortes, ce sont les persécuteurs chrétiens ayant perverti et inversés la Gnose préchristique. Daath est la Porte des Abysses, contenant la « Tour jumelle » ou « Tour maléfique », le Pylône de Choronzon. Tiphereth devient le Phallus de Feu (serpent de feu). Netzach, ou Vénus, représente l’œil et sa lumière, la fantaisie de la chair. Et tout l’Arbre est réinterprété à la même eau…
Au sujet de Da’ath, Gareth Knight écrit :
« Les Abysses sont le vide entre la force et la forme ; et le lieu où la transmutation advient est la Sephirah occulte Da’ath – qui signifie Connaissance. Les Mystères de Da’ath sont profonds et ne furent qu’effleurés dans les premiers écrits de la Kabbale. La Sephirah n’a pas de nombre qui lui soit attribué et ce que l’on signifie par Connaissance va plus loin que ce que l’on perçoit, ainsi le mot dans son usage biblique signifie une relation sexuelle, et il décrit alors bien le genre d’union divine où différents plans d’existence se rencontrent et provoquent un changement d’état menant à la naissance – une transformation ou transmutation de pouvoir » (Gareth Knight, A Practical Guide To Qabalistic Symbolism, Weiser, 1980, pages 32-3).
Conclusion.
Dans la continuité du courant de la magick contemporaine, peu s’amusent à se frotter à Da’ath, et encore moins sur le scène occulte francophone. Cependant, Frater kAzim s’y est essayé et nous a ainsi offert un excellent travail décrit dans son texte « L’Abysse et les Psychotropes » qui est, je pense, à la base de son système personnel « Aloha » :
« Lorsque l’on entreprend de passer outre l’expérience de la noirceur et de l’éclatement de Daath il est capital de pouvoir rassembler en soi toute Sa Lumière afin de triompher du démon Chorozon. Pour cela un ensemble de gestes et de visualisations sont donc au préalable possibles en mettant en scène la géométrie sacrée et la prononciation d’une clé kabbalistique. La première partie de ce travail expliquera donc la construction d’un vaisseau énergétique, et la seconde le chargement de ce véhicule spatio-abyssale par le mot de pouvoir Aloha, tout ceci dans le but de franchir Daath grâce à l’invocation du Saint ange Gardien. »
Quant à nous, il se peut bien que nous ayons échoué à traverser nos propres illusions, la moindre n’étant pas la prétention de décrire l’étendue symbolique et kabbalistique de Da’ath en quelques pages.
Spartakus FreeMann, février 2011 e.v.
Notes :
[1] Grant joue ici sur une homophonie entre Daath (prononcé daaS en ashkénaze) et death, cela ne peut être rendu en français.